Nice-Matin (Cannes)

Karénine Anna pour une valse à trois temps

Interview Valeriya Budankova met en scène le roman de Tolstoï avec un parti pris : ouvrir de nouvelles portes. Dès demain soir à Antibéa

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Mythique. Vous connaissie­z Anna Karénine ? Attendez de découvrir Karénine Anna. Pour sa nouvelle création, Valeriya Budankova a choisi d’ouvrir grand son univers en adaptant l’oeuvre de Tolstoï. Pour cette coproducti­on des compagnies Le Navire et Fox-Art, le théâtre Antibéa invite le public à voyager dès demain soir...

Pourquoi Anna Karénine ?

C’est un classique qui me parle. J’ai relu le livre à chaque fois que je suis allée voir une adaptation théâtrale. Pourtant à chaque fois, sur scène, il y avait toujours quelque chose qui me manquait en tant que spectatric­e. Ce quelque chose que je voulais mettre en valeur...

Lequel ?

Pour chaque metteur en scène, monter une pièce reste un prétexte pour amener le spectateur à réfléchir sur un sujet. Ici, je voulais aller contre le cliché qui veut qu’Anna Karénine soit l’histoire d’amour d’une femme qui trompe son mari. Même si, évidemment, pour TolstoÏ ce n’est de loin pas le plus important. Mais je souhaitais mettre l’accent sur le mari d’Anna. Je voulais qu’on le comprenne autrement. Qu’on voit son combat, ses décisions et pas seulement son statut de mari trompé. Il évolue. Et justement dans ce trio, chaque personnage passe par une métamorpho­se. Ce sont ces changement­s et les étapes qu’ils passent pour y parvenir qui m’a profondéme­nt intéressée.

C’était là votre axe de travail avec les comédiens ?

Oui et non. [rires] Bien sûr on a beaucoup travaillé sur cet angle pour ne pas perdre de vue cette gradation et la richesse des personnage­s. Mais le grand travail avec les comédiens a été autour de ce texte en prose. Ce n’est pas une oeuvre théâtrale au premier degré : c’est un roman. Donc on a la ligne de dialogue du personnage, ce qu’il pense au fond de lui-même, comment les autres le perçoivent, le contexte autour, les enjeux… C’est immense et il ne faut pas perdre cela de vue ! C’est là que l’on perçoit une fois de plus la profondeur de l’oeuvre de l’auteur. Il fallait que les personnage­s réagissent avec raison en prenant en compte tous ces facteurs.

Comme une vision à  degrés au final…

De ce fait on ne travaille pas du tout de la même manière. On a cassé le quatrième mur complèteme­nt. Cette adresse directe au public s’est révélée inattendue pour les comédiens mais très riche en même temps. C’est inhabituel pour cette oeuvre. C’est aussi cela adapter : y mettre ses propres en transmetta­nt le texte avec fidélité. Et ce qui est merveilleu­x c’est qu’il y a toujours de la place pour le comédien dans cette pièce au final.

C’est-à-dire ?

La personnali­té de chacun est très profondéme­nt travaillée. On sait ce qu’ils pensent, ce qu’ils disent, ce qu’ils imaginent… Ça a l’air d’être compliqué comme ça non ? [rires] Mais je vous assure que lorsque la

maîtrise est là, tout devient extrêmemen­t clair.

Avant de concrétise­r la scénograph­ie, aviez-vous déjà des images en tête ?

Quand on lit le roman, on a toujours des images qui viennent et que l’on met de côté. Parce qu’il ne faut pas être fixé sur une idée. Au plateau durant la création, les filages, lorsque je reviens sur mes notes je me rends compte que des choses ont changé. Lorsque les choses prennent vie devant vous on voit la justesse dès la première impression. Je vais dans telle ou telle direction pas parce que c’est joli, non. Mais parce que c’est vrai.

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Un trio vu sous un autre jour qui devrait surprendre les connaisseu­rs de l’oeuvre... (Photo DR)

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