Nice-Matin (Cannes)

À Même le sol

Interview Avec sa Compagnie Dernière Minute, Pierre Rigal propose une création autour du temps et de l’identité. A voir demain à Anthéa

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Dans les entrailles de quatre lettres qui amènent bien plus d’interrogat­ions… Avec Même, Pierre Rigal donne à voir des corps et des énergies qui vont et viennent, s’aimantent et se repoussent, errent et se trouvent. Sur scène, la Compagnie Dernière Minute joue le théâtre dans le théâtre, la création dans la création. Mise en abyme. Le temps ne s’écoule tout à coup plus de la même manière. Tiens, tiens… Une nouvelle appréhensi­on de la spatio-temporalit­é à découvrir demain soir au théâtre Anthéa.

À partir de quelle envie est née cette création ?

Celle de créer une pièce très hybride entre théâtre, danse et musique. C’est une sorte de comédie musicale, même si ça ne ressemble pas à une comédie musicale comme on l’entend. L’idée initiale est de travailler sur ce mot : même. Parce qu’il est paradoxal. Il signifie une chose et son contraire. Une chose qui est identique. Mais aussi une autre chose, vous voyez? C’est comme quand on réfléchit à ce qu’est un clone. Avec toutes les questions que cela peut poser. À côté de cela, mot même est un terme de plus en plus utilisé. Sur Internet il fait référence à la transmissi­on des transmissi­ons des comporteme­nts par le mimétisme social et culturel.

Et sur scène ça se concrétise comment ?

Au final on a une troupe de théâtre qui essaie de construire un spectacle mais il se passe des phénomènes spatio-temporels bizarres qui les empêchent de comprendre ce qu’ils veulent faire. Le temps leur joue des tours. Ils se retrouvent obligés de revivre certains moments. Il y a des phrases dites qui reviennent.

Une distorsion du temps qui fait perdre les repères…

C’est ça. Je vous rassure : c’est assez drôle. Mais c’est aussi une manière de parler de la mort, de l’instant juste avant, de l’instant juste après. De manière métaphoriq­ue, évidemment. On est sur cet instant très bizarre sur l’appréhensi­on de la réalité et aussi de la folie. À partir du moment où le temps et l’évidence des choses se dérobent, les personnage­s vont vivre cette incompréhe­nsion perturbant­e…

Pour la créer : principale­ment de l’écriture plateau ?

Exactement. Avec beaucoup d’improvisat­ion où les idées surgissent en les faisant. Bien sûr nous sommes partis avec quelques intuitions et quelques idées de départ.

Sur scène vous avez installé des instrument­s de musique…

Batterie, basse, clavier… Comme un groupe de rock. Il y a aussi un système assez généralisé qui permet de créer des boucles avec tout ce qu’il se passe sur scène : guitare, micro, ligne de texte. Ce qui peut créer des situations particuliè­res où les sons reviennent et se mélangent…

En veillant à ce que l’équilibre entre théâtre danse musique live reste présent…

C’est tout l’enjeu. Parce qu’avec cela, on suit une action.

Dans quelle intention désirez-vous que les artistes travaillen­t ?

Ce que je dis tout de suite en travaillan­t avec quelqu’un c’est : je vais profiter de ton talent dans ta spécialité mais tu ne vas pas rester dans ta zone de confort. Certains sont plus musiciens, plus comédiens, plus danseurs… Je leur demande surtout de travailler dans le domaine qui n’est pas leur spécialité. Cette démarche crée une sorte d’émulation de groupe. Ce qui est intéressan­t c’est aussi la possibilit­é qu’un non-spécialist­e trouve une idée qu’un autre maîtrisant le domaine n’aurait pas pu découvrir. Parfois la naïveté visà-vis d’un domaine génère des surprises. C’est le pari que je prends. Et parfois ça fonctionne. Évidemment il faut beaucoup d’ouverture d’esprit et de bienveilla­nce pour travailler comme cela. Que chacun valorise et encourage l’autre. C’est ce qu’il se passe dans cette compagnie.

Avez-vous gardé des parenthèse­s dans cette création pour des moments d’impro sur scène ?

Non. Désormais tout est écrit au centimètre près. Tout doit paraître libre, improvisé mais en réalité c’est tout le contraire. Et pourtant les comédiens doivent vraiment donner l’impression qu’ils sont perdus.

Parfois la naïveté vis-à-vis d’un domaine génère des surprises ”

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(DR)

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