Nice-Matin (Cannes)

Franck Delerue: «Je suis dans la force de l’âge»

En pleine forme cette saison, Frank Delerue s’est confié sur ses ambitions, ses expérience­s, tout en faisant un tour d’horizon complet du foot azuréen, qu’il fréquente depuis près de dix ans

- PROPOS RECUEILLIS PAR ROMAIN BOISAUBERT

Joueur d’expérience au tempéramen­t bien trempé, cadre de Loïc Chabas cette saison, Frank Delerue (29 ans) s’affirme comme l’un des leaders du RC Grasse cette année. En grande forme, l’attaquant marque, fait marquer et traverse la plus belle période de sa carrière, riche de plusieurs saisons passées dans les clubs du sud de la France. De quoi, dans son sillage, emmener le RC Grasse sur le podium en fin de saison ?

Frank, si on vous avait dit, un jour, même si ce ne sont que les jeunes, que vous battriez l’Olympique lyonnais (-) au pied du Groupama Stadium, vous y aurez cru ?

J’avais déjà connu ça avec l’AS Cannes à Coubertin. Nous avions battu le Lyon de Fekir, Tolisso, Plea, à l’époque. Une grande équipe. Si en début de saison, on nous avait dit que nous prendrons trois points là-bas, on aurait eu du mal à le croire. Cette victoire restera comme un moment fort de la saison.

L’équipe ne peut désormais plus se cacher derrière son excellent et surprenant début de saison

Entre nous, on ne se le cache pas. Nous voulons au moins terminer dans les cinq premiers. Notre début de saison n’est plus une surprise. Ne pas terminer dans le top  serait une déception. Si nous évitons les blessures et les suspension­s, il faudra compter sur nous jusqu’au bout. Et pourquoi pas pour une place sur le podium ?

Ce groupe est-il le meilleur dans lequel vous avez évolué jusqu’ici ?

Le meilleur collectif, c’est sûr. J’avais déjà connu ça du côté d’Hyères, où nous avions manqué la montée de peu en terminant deuxième, avec un effectif semblable à celui de Grasse, sans grosses individual­ités, mais avec une grande force collective et des joueurs qui se battent les uns pour les autres. Cette saison, l’ambiance dans le vestiaire est incroyable.

Justement, vous qui êtes passé par l’AS Cannes et Le Cannet-Rocheville, quel regard portez-vous sur le football azuréen ? Pour moi, c’est ici qu’il y a le plus haut niveau technique en France. La plupart des joueurs avec qui j’ai pu discuter et qui sont allés à droite à gauche en France pensent la même chose. Le niveau est très relevé, mais surtout très homogène. Dans la région parisienne, athlétique­ment, c’est audessus. Mais ici, le niveau technique des joueurs est incroyable.

À votre avis, le football azuréen regorge-t-il de grands talents laissés pour compte et qui mériteraie­nt d’évoluer chez les profession­nels ?

Bien sûr ! Il y a quelques années, il n’y avait que Menton et La Trinité en National . À l’époque les joueurs des divisions d’en dessous étaient d’un très grand niveau et pouvaient largement viser plus haut. Mais il n’y avait pas vraiment de locomotive. Les recruteurs ne se rendaient pas sur les pelouses des petites divisions. C’est pour cela que beaucoup de joueurs du coin n’ont pas pu percer. Aujourd’hui, avec le RC Grasse en N et l’AS Cannes et Le CannetRoch­eville en N, les choses ont changé. Ces clubs attirent le regard des recruteurs.

Grasse, c’est un peu « The place to be » aujourd’hui ?

Je pense que oui. Le club met tout en oeuvre, malgré un budget modeste, pour nous aider. C’est le meilleur club du départemen­t chez les amateurs. Le meilleur tremplin pour un jeune vers le haut niveau. Le RC Grasse, c’est la vitrine du football azuréen.

Avez-vous souvenir de joueurs qui vous ont impression­né, que ce soit dans les clubs que vous avez fréquentés ou des adversaire­s affrontés ?

J’en citerais quatre. Malik Tchokounté, un ami, qui a attendu ses trente ans pour signer en Ligue  cette saison à Caen. Loïc Malatini, qui m’a impression­né avec la « Selecioun ». Nicolas Medjian, un vrai talent. Et Herman Ako, que j’ai côtoyé au CannetRoch­eville. Il a le niveau pour viser très haut. J’essaye d’ailleurs de le convaincre de rejoindre le RC Grasse ! Je sais que le club le suit attentivem­ent…

Parlez-nous de votre expérience avortée en Estonie

Après l’aventure avec la Selecioun, j’ai été contacté par le FCI Levadia Tallinn, qui avait l’habitude de jouer les tours préliminai­res de la Ligue Europa. Un recruteur de l’OGC Nice m’a conseillé d’y aller, alors j’ai foncé. En m’imposant, je pouvais à terme rejoindre un championna­t plus huppé comme la Norvège. On m’a proposé un contrat, mais j’ai fini par décliner. Financière­ment, l’offre était limite. Mais je ne retiens que du positif de cette expérience, même si elle n’a duré qu’une quinzaine de jours. Moi qui n’avais jamais bougé du sud de la France, j’ai pu découvrir une autre culture et m’entraîner par moins dix degrés (il rigole).

Vous étiez prêt à faire ce grand saut dans l’inconnu ?

J’ai toujours voulu jouer à l’étranger. J’ai eu quelques contacts en Asie, mais cela ne s’est pas fait. Je n’ai pas un grand CV. Cela a pu freiner quelques clubs, qui préfèrent les joueurs reconnus. J’aurais aimé comparer le football français, l’un des plus formateurs, en le confrontan­t au football d’un autre pays.

Vous seriez prêt à le refaire aujourd’hui ?

Il faudrait étudier le projet. Mais avec un enfant, les choses ont changé. À Grasse, j’ai trouvé un club qui me correspond.

À vingt-neuf ans, quels sont vos objectifs ?

J’aimerais connaître la National . J’en ai toujours rêvé. J’espère que l’on y arrivera avec Grasse en fin de saison. Ce serait magnifique. Surtout pour le club et la région.

Vous semblez traverser la meilleure passe de votre carrière ?

(Il sourit) Je suis dans la force de l’âge ! Physiqueme­nt, je me sens en pleine forme. Cela se ressent sur le terrain. Le coach me fait confiance. J’espère aider le club à viser le plus haut possible en marquant le plus possible. Si j’atteins la barre des dix buts et que Joseph (Guelade) fait pareil, on ne sera pas loin de la montée.

Qu’est-ce qui vous a manqué dans votre carrière pour atteindre le monde profession­nel ?

J’ai toujours eu besoin d’un collectif pour briller. Je ne suis pas un grand buteur. J’ai eu des touches avec des clubs comme Dijon ou Caen. Mais ces derniers préféraien­t des joueurs qui marquaient plus. Il n’y a pas de secret, tu as beau être meilleur, si tu marques moins, on ne te prend pas. Je fais beaucoup d’effort sur un terrain. Je suis parfois moins lucide dans la finition. Mais c’est comme ça que je prends du plaisir. Je ne changerais pas mon jeu.

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(Photo Patrice Lapoirie)

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