Les nouveaux rois du shopping
Plus éthique et moins toc, à la fois culturel et ludique, l’immobilier commercial du XXIe siècle se construit au Mapic. Pour lutter contre la tentation du clic, malgré quelques polémiques
On les accuse parfois de tous les maux. Ils seraient notamment responsables de la désertification de certains centres-villes. Procès bien pratique puisqu’il lave d’une même eau des politiques d’habitat étiques et toutes les mesures concourant à l’éviction du trafic automobile dans les coeurs historiques. Les centres commerciaux ont pourtant un avenir. Qui paraît même radieux, si l’on en juge par la floraison de projets agitant les allées du Mapic. Ce salon international de l’immobilier commercial rassemble, au Palais des Festivals de Cannes, tous les acteurs d’un secteur qui, pour résister aux assauts du commerce en ligne, doit se réinventer au plus vite. Antoine Frey, aux commandes d’un groupe familial très actif, préside aussi le Conseil national des centres commerciaux (CNCC), une fédération qui regroupe promoteurs, investisseurs, utilisateurs, prestataires. En France, les clics ne représentent, pour l’instant, que 8% des achats. Mais la quote-part des ventes en ligne double tous les trois ou quatre ans. « Si le commerce ne se repense pas, alors les gens ne consommeront plus que depuis leur canapé », prédit Antoine Frey. « Avec, à la clé, une destruction du lien social. Au préjudice du centre-ville comme de l’entrée de ville. » La lourdeur administrative, dit-il, est un frein. «On met en moyenne quinze ans pour créer ou transformer un centre commercial. Alors que les modes de consommation, avec Internet, évoluent à la vitesse de la nanoseconde.» Pour le président du CNCC, il faut se poser de bonnes questions: «Demain, que veut-on? Des lieux où les gens se croisent, se rencontrent, se sociabilisent? Dites-vous bien que du lien, il n’y en aura jamais dans une plateforme Amazon. Pour laquelle deux ans suffisent à obtenir les autorisations, même si l’impact est énorme.»
Vive la taxe sur les colis
« Ce n’est pas en empêchant les zones commerciales périphériques de se restructurer que l’on sauvera les boutiques de centre-ville », martèle Antoine Frey. Les enseignes ne sont pas les mêmes, leurs besoins non plus. Les projets de Nice, Valbonne ou Antibes (lire par ailleurs) en sont autant d’illustrations. Avec, cependant, de vives critiques. «Il y a toujours des résistances. Si l’on ne devait jamais évoluer, nous ferions toujours nos courses dans des familistères chez Goulet-Turpin. Le commerce est une matière vivante quinaît, vit, meurt, il faut accepter le changement. Sans quoi nous resteront un pays d’irréductibles Gaulois.» L’idée d’un prélèvement de 1€ sur chaque colis livré à domicile après un achat en ligne ne déplaît pas au président du groupe Frey. «Le maire de Cannes a tout à fait raison de s’emparer du sujet de l’équité fiscale entre le commerce physique et le commerce en ligne. Il y a, dans ce domaine, une distorsion de concurrence qui s’ajoute à la distorsion administrative.»