Nice-Matin (Cannes)

J.-P. Camerano « libéré » de la majorité

Le nouveau venu sur les bancs de l’opposition s’est exprimé sur sa vision de la ville et sur la majorité dont il a été évincé après sa prise de position sur la vente du golf d’Opio

- PROPOS RECUEILLIS PAR MAXIME ROVELLO mrovello@nicematin.fr

Ce n’est pas le premier à avoir quitté la majorité municipale au cours du mandat Viaud. Ni le dernier d’ailleurs puisqu’ont suivi Chems Sallah et Brigitte Vidal. Son discours lors du conseil municipal du 25 septembre avait marqué les esprits en dénonçant explicitem­ent le « manque de réflexion » (sic) du maire sur la vente des parcelles du golf la Grande Bastide. Un laïus qui lui a valu le retrait immédiat de ses délégation­s et de prendre la porte de sortie de la majorité, direction l’opposition. Un soulagemen­t, selon lui, de trouver cette place qui lui permet de (re)trouver une parole libre.

Refaisons le film des derniers conseils municipaux. Quand avez-vous appris la vente du golf d’Opio ?

Il y a un an, cela avait été évoqué en commission des finances, où c’était au départ la communauté d’agglomérat­ion de SophiaAnti­polis qui devait se porter acquéreur. Ma première question, à l’époque, était de connaître le montant perçu. Dans un premier temps, on m’a répondu que c’était loué pour l’euro symbolique mais après des renseignem­ents pris auprès des services financiers de la ville, j’ai appris que c’était un bail de   euros. Maintenant, les parcelles sont vendues à une société de gestion pour , m€. J’avais

‘‘ évoqué par ailleurs que sortir du legs était impossible, sans parler de la trahison de la volonté de la famille Riou. Dans l’éventualit­é où la vente eut été possible, il y a une règle de base en gestion : quand on vend un actif, il faut recréer de l’actif.

Vous aviez donc préparé votre sortie ?

Je n’avais pas préparé le fait de ne plus avoir de délégation. J’ai déjà fait comprendre que la société en question n’est pas composée de philanthro­pes, et si la Casa se porte acquéreur, attention de ne pas être le dindon de la farce. J’avais préparé mon argumentai­re mais je n’ai pas choisi de sortir. Je n’avais pas l’intention de démissionn­er car j’ai été élu par les Grassois comme les  élus. Ce que je fais, je le ferai jusqu’au bout.

Ce n’est pas habituel qu’un conseiller soit aussi cinglant dans sa déclaratio­n, vous en aviez gros sur le coeur ?

Quand je me suis engagé auprès de Jérôme Viaud, j’y ai cru mais quand on est arrivé sur les gros dossiers, les désaccords sont apparus. D’abord sur Martelly. Oui, j’ai voté pour mais j’avais posé la question : combien ça coûte aux Grassois ? Je n’ai toujours pas la réponse aujourd’hui. Les espaces publics ne sont pas financés et la ville, via Grasse développem­ent, s’est portée acquéreur de , M€ d’un crédit relais sur la station essence et les immeubles Renault. Comment ça va être remboursé ? On va certaineme­nt proroger le relais mais cela a un coût. J’ai certaineme­nt beaucoup de défauts mais je sais compter. Le golf et le PLU ont été les points d’orgue.

Votre éviction a causé une réaction en chaîne…

On n’en était pas à la première sortie. Brigitte Vidal n’a pas voté contre, elle s’est abstenue sur l’aspect moral. Qu’aurais-je fait à la place du maire ? J’aurais pris acte des différente­s positions car dans une équipe, ce n’est pas la pensée unique qui règne. Concernant Chems Sallah, il a démissionn­é, c’est son choix. Je pense que ce n’est pas bien car la politique de la chaise vide, ce n’est jamais bon. Pour le reste, je n’ai pas de problème avec la majorité. Il faut dissocier l’amitié de la politique.

Au sein de la majorité, d’autres pensent comme vous et ne le disent pas ?

Oui mais, évidemment, je ne peux pas donner les noms. La majorité est dans un état de délitement. Certains continuent car il ne reste plus beaucoup de temps avant les prochaines élections, d’autres restent par peur de « représaill­es ». Il y a un climat de mal-être créé par Jérôme Viaud à force de vouloir diviser pour mieux régner, essayer de monter les uns contre les autres etc. D’ailleurs, quand j’ai pris la parole sur le golf, personne ne m’a attaqué car ils savaient que ce que je disais était vrai. Quand on a  % des élus qui n’ont plus de délégation­s ou ont démissionn­é, il y a des questions à se poser sur le management.

Vous n’avez pas l’impression de les trahir ?

Si défendre les intérêts de la ville c’est trahir, alors je continuera­i de le faire. Un programme a été établi en . Jérôme Viaud n’est pas au rendez-vous sur les projets ni sur le budget. C’est un mot qu’il faut manier avec prudence mais au final, qui trahit qui ?

Comment qualifiez-vous la politique de Jérôme Viaud ?

Jérôme Viaud est un autocrate. Pas de collaborat­ion, très peu d’échanges. Le principe du management c’est d’écouter, de décider et surtout d’expliquer ses choix. Il faut également savoir déléguer. Un maire doit défendre l’hôpital de Grasse où on perd des lits. Défendre le statut de souspréfec­ture quand d’autres villes du départemen­t lorgnent dessus. Nous ne sommes même pas représenté­s à la Région. C’est une vaste plaisanter­ie. J’ai eu un tête à tête avec Jérôme Viaud il y a quelques

‘‘ mois. Je lui ai suggéré de faire un virage à  degrés sur la gestion de la ville, de l’administra­tion et du cabinet. Grasse est la seule ville de plus de   habitants où il n’y a pas de directeur général des services. Alors que nous avons un chef et un directeur de cabinet. Au-delà de la sémantique, c’est la même chose.

Venons-en au dernier conseil municipal. Vous avez fait vos

premiers pas dans l’opposition…

Physiqueme­nt, ça fait drôle car on est tout au bout. J’étais à côté du Front National, je ne vous cache pas que ce n’est pas la meilleure place [rires]. J’ai l’impression de redevenir libre, de me sentir écouté. Je voterai jusqu’au bout les mesures que je considère favorable pour les Grassois. Je ne suis pas dans le « oui » par dogmatisme. Je ne rejoindrai aucun groupe.

Pas même celui de Paul Euzière, avec qui vous avez l’air de bien vous entendre ?

Je considère que c’est quelqu’un qui connaît bien sa ville et qui travaille bien ses dossiers. Mais ça, je le pensais déjà avant. La première fois où nos votes se sont rejoints c’était en juin  lors d’une séance de communauté à la CAPG, au sujet du parking de Mouans-Sartoux. Même des élus de la majorité avaient voté contre. Cependant, je ne rejoindrai pas son groupe.

Quelle est votre vision de Grasse?

Grasse coule dans mes veines. Je suis né à Plascassie­r, comme mon père et mon grand-père avant moi. J’ai fait une grande partie de ma scolarité ici. J’ai travaillé sur le Jeu-de-Ballon pendant dix ans. J’ai fait  ans de football ici. Comme je le disais plus tôt, j’y ai cru. Je pensais qu’on pourrait remettre cette ville au niveau qu’elle mérite mais elle est livrée aux investisse­urs privés. Je suis très attaché à ce territoire provençal et donc j’ai beaucoup de peine aujourd’hui. Mais tout n’est pas perdu. Les marges de manoeuvres existent, il faut juste du courage politique.

Des rumeurs circulent comme quoi vous démarchez des gens en vue d’une future liste ?

Eh bien qu’on me présente ces gens que j’ai soi-disant démarchés. Je suis prêt à les rencontrer. Je ne fais pas de réunions privées ni d’entretiens de recrutemen­t.

Serez-vous candidat en  ?

Aujourd’hui, je ne peux pas répondre. Ce qui est sûr c’est que je souhaite jouer un rôle en  mais je ne sais pas encore sous quelle forme. C’est l’intérêt supérieur de la ville qui m’importe le plus aujourd’hui.

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(Photo Patrice Lapoirie) Lors du dernier conseil municipal, Jean-Paul Camerano a fait ses premiers pas dans l’opposition.

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