Nice-Matin (Cannes)

VEILLÉE D’ARMES CHEZ LES GILETS JAUNES

Dès hier soir, le mouvement citoyen a commencé à afficher sa colère. Dans les rues de Nice et sur la promenade des Anglais ils étaient une centaine à arborer le fameux gilet jaune.

- Dossier : Christophe CIRONE ccirone@nicematin.fr Photos : Franck FERNANDES

Les revendicat­ions, ça vient du coeur, ça vient des tripes ! » Sur la promenade des Anglais, Coralie laisse éclater sa colère. Niçoise travaillan­t dans le secteur de la santé, elle dit souffrir pour les retraités. « Les personnes âgées sont malmenées, et ça, ça m’est insupporta­ble. Le carburant ? C’est la goutte qui fait déborder toutes ces revendicat­ions. Qui fait réagir enfin... » Hier soir à Nice, ils sont une bonne centaine à arborer le fameux gilet jaune. Un nouveau tour de chauffe avant le blocage national prévu le 17 novembre. Ce rendez-vous devant le Negresco a davantage mobilisé que les précédents. Signe, peut-être, que le mercure social monte à la veille du jour J. Ils sont actifs, chômeurs ou retraités. Ils ne se connaissai­ent que par écrans interposés. Les voici réunis à l’appel de Lisa, une jeune demandeuse d’emploi, via Facebook. Tout le symbole d’un élan citoyen spontané, enflammé, déstructur­é, protéiform­e, voire déroutant.

Chaîne humaine

Youssouf peut en témoigner. Ce livreur avait créé le groupe Blocage citoyen contre la hausse des taxes Nice St-Isidore. Hier, la page comptait 3 200 « participan­ts » et 8200 « intéressés ». « Je ne pensais pas qu’il y aurait autant de monde », confesse Youssouf, qui précise aussitôt : « Je suis un porte-parole, pas un organisate­ur. Je serai là en tant que citoyen. » Se sentant sous pression, il a tenté d’annuler l’événement. Trop tard. D’autres internaute­s ont pris le relais. Tels Lisa. « C’est une immense chaîne humaine, constate-t-elle. Chacun apporte sa petite contributi­on. Des idées fusent de partout, on essaie de sélectionn­er les meilleures. Des gens timides ont de très bonnes idées. Et nous, on les écoute... contrairem­ent au gouverneme­nt. »

Colères multiples

La charge est lancée. En attestent les « Macron démission ! » scandés sur la Prom’ par des manifestan­ts bien souvent néophytes. La colère gronde. Les colères, plutôt. Colères multiples de citoyens qui enragent contre leurs dirigeants. « Ils vivent dans un monde parallèle. Ils ne mesurent pas la souffrance sociale », entend-on dans les rangs. La fronde contre les taxes sur le gasoil en semblerait presque éclipsée. « C’est un ras-le-bol général qui s’exprime, explique Yuri, Niçois de 33 ans, conducteur d’engins, créateur d’un groupe Facebook qui compte 180 « partcipant­s ». La France en a marre. Marre de la hausse des taxes sur les cigarettes, des carburants qui rejoignent les prix de l’Italie... Tout augmente, sauf les salaires ! Alors un jour, certains se sont dit : “On va essayer de réveiller les gens...” »

Premières dissension­s

Le risque ? Agréger les revendicat­ions pêle-mêle, au risque de virer au fourre-tout. De se heurter à la nécessaire réduction de la dépense publique. Et de susciter les presmières dissension­s internes. Hier à Nice, les échanges ont parfois été vifs, avec ou sans micro. Martin et Marianne Fuchs, 67 ans, étaient venus tâter le pouls, avant d’enfiler leur gilet jaune samedi. Ils sont « très déçus » et le font savoir. «Si vous n’êtes pas contents, faites votre mouvement ! », éructe un manifestan­t. « Je suis pour la baisse des taxes, ça c’est sûr, mais pas pour qu’on mélange tout et n’importe quoi ! », rétorque Martin. Pas d’inquiétude pour Lisa : cette multitude de griefs ne serait pas forcément un handicap. « C’est ça qui est dangereux pour le gouverneme­nt. De ça qu’il doit se méfier. »

Fronde pacifique

Les récentes mesures annoncées par Edouard Philippe n’ont pas calmé les ardeurs des manifestan­ts. Ni apaisé le sentiment de déclasseme­nt qu’ils expriment parfois. « C’est le cri de “la France d’en bas”, pas une France de la haute classe », acquièsce Yuri. Il veut une « manifestat­ion citoyenne portant des revendicat­ions pacifiques. On ne va pas bloquer, plutôt ralentir. » Après les bonnets rouges et Nuit debout, les gilets jaunes veulent investir les routes pour mieux libérer la voix publique. Et certains lorgnent déjà au-delà du 17 novembre.

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Hier à Nice, face au Negresco, plus d’une centaine de manifestan­ts a participé à un nouveau tour de chauffe sur la promenade des Anglais.

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