Sarkozy: «Séguin et Pasqua, des patriotes intransigeants»
L’ancien Président est venu rendre hommage, hier à Nice, à ces deux figures du gaullisme dont les allées qui bordent l’ancienne gare du Sud réhabilitée portent désormais les noms
Nicolas Sarkozy est resté strictement dans les clous de sa visite, hier à Nice : il est venu pour rendre hommage à deux figures du gaullisme, Philippe Séguin et Charles Pasqua, et il n’y a pas dérogé, à l’exception d’une brève incursion aux studios de la Victorine (lire ci-dessous). Les journalistes agglutinés comme des arapèdes pour lui arracher deux mots sur d’autres sujets en ont été pour leurs frais. Il n’a souhaité s’exprimer ni sur l’actualité politique, ni sur son avenir, ni sur la rivalité Estrosi-Ciotti. Tout en serrant les mains qui se tendaient sur le marché de la Libération, il a juste concédé son « attachement viscéral à Nice», où sa carrière a pris son envol, en juin 1975, lors d’une première intervention publique aux assises de l’UDR, l’ancêtre de LR. C’est précisément Charles Pasqua qui l’avait alors incité à prendre la parole, a-t-il raconté.
« Je n’aurais pas fait la carrière que j’ai faite sans Charles Pasqua »
L’ancien président de la République a procédé, en compagnie de Christian Estrosi et des familles des intéressés, au dévoilement de deux plaques baptisant les allées Philippe-Séguin et Charles-Pasqua, de part et d’autre de la gare du Sud réhabilitée. Ces deux baptêmes avaient été décidés par le conseil municipal niçois, le 30 mai 2016. «Sans Charles Pasqua, a indiqué l’ancien chef de l’Etat, je n’aurais jamais fait la carrière que j’ai faite. » Plus généralement, il a rendu un hommage prolixe et enjoué aux «deux plus grands passionnés de politique qu’il ait rencontrés ». Sans notes, il a salué « deux hommes authentiques, qui croyaient ce qu’ils disaient. Ce n’étaient pas des technocrates qui lisaient un discours préparé par d’autres. Ils croyaient à la méritocratie mais détestaient l’égalitarisme. Ils ne transigeaient jamais sur la France. Ils étaient des patriotes intransigeants qui aimaient le peuple, qui n’était pas un gros mot pour eux. J’ai aimé la complexité de ces deux personnalités, je m’en suis beaucoup inspiré. Nous devons conserver l’héritage de ces figures qui ont fait aimer la France ». Non sans désaccords entre eux parfois, quand Charles Pasqua (avec Sarkozy) a soutenu Edouard Balladur à la présidentielle de 1995, Philippe Séguin restant fidèle à Jacques Chirac, ce qui lui vaudra d’accéder au perchoir de l’Assemblée nationale.
« On pouvait s’engueuler et continuer à s’aimer »
« Cela a parfois bardé entre eux, mais c’était une époque où l’on pouvait s’engueuler entre soi et continuer à s’aimer », a considéré Nicolas Sarkozy, dans une vision très enjolivée par le temps écoulé qui a pansé les plaies. Sa seule allusion subliminale au contexte local… Christian Estrosi, de son côté, a mis en exergue « la fidélité gaulliste » de Nicolas Sarkozy à travers sa présence à cette inauguration, «lui dont l’autorité morale surplombe de si haut les querelles partisanes ». Le maire a ensuite célébré « deux grands serviteurs du pays, incarnations des gaullismes de 1940 et 1958. Deux fils du peuple, réunis par leur amour de la France, pénétrés d’une morale de la laïcité plus que des communautés. Leur France idéale était libre et indépendante, juste, attachée aux plus faibles, impitoyable pour les criminels. C’était une France qui unit et non qui divise ». Auparavant, Catherine Séguin avait retracé, en fille et en préfète du Gers qu’elle est aujourd’hui, le parcours du pupille de la Nation parti de Tunis, passé par Draguignan et les Vosges, pour devenir tour à tour ministre des Affaires sociales, président de l’Assemblée puis de la Cour des comptes.
Séguin, « Un père tendre qui manque à sa famille et peut-être aussi à la vie politique nationale. Un homme qui a
«destin accompli»
accompli son destin», a-t-elle estimé, quand bien même d’aucuns lui prêtaient le potentiel pour «la marche supérieure ». Un caractère entier aussi, « intransigeant, étranger à toute forme de compromission, ingérable, j’y vois une qualité, une référence morale », qui a effectué un « parcours d’exception au service du bien public ». Un grand amateur de foot, de manière plus anecdotique, qui aimait l’OGC Nice, pour avoir fréquenté les travées du stade du Ray, en 1969-1970, alors qu’il travaillait à Nice comme chargé de mission auprès du recteur.
Pasqua ou « la France du travail et de l’ordre »
A son tour, Alexandre Pasqua, l’un des deux petits-fils de Charles, a retracé la carrière de celui qui, né à Grasse en 1927, est entré dans la résistance à 15 ans, avant de devenir, notamment, ministre de l’Intérieur de 1986 à 1988 puis de 1993 à 1995. On lui doit en particulier la loi autorisant la vidéosurveillance chère à Christian Estrosi, « pour qui il avait beaucoup d’affection », a dit son petit-fils. «Notre famille, a-t-il par ailleurs déploré, se reconnaît rarement dans les commentaires, analyses et polémiques sur notre grand-père. C’était un homme de valeurs, de simplicité, de bon sens. Un homme qui avait le sens de l’Etat, courageux, pragmatique, attaché à la souveraineté. Dans la fidélité à de Gaulle, il défendait la France du travail et de l’ordre. Il était drôle et il aimait les gens. »