Nice : « On est tous dans la même galère »
Plongée au coeur de la manifestation qui a bloqué une partie de l’A8 hier après-midi. Entre colère et détermination, les « gilets jaunes » détaillent ce qui les a poussés à manifester
Ils sont des centaines à se regrouper hier, en début d’après-midi, à l’ombre du stade de l’Allianz Riviera, sur le parking sud. « Pas de racaille ici », souligne l’un des manifestants, porte-voix en main, qui demande d’applaudir les forces de l’ordre. « Ils n’ont pas le droit de manifester mais ils sont avec nous. Ce n’est pas une manifestation mais un mouvement citoyen », explique ce porte-parole improvisé. Succès assuré. Les Français qui se lèvent tôt, les Français qui paient toujours davantage de taxes et d’impôts réclament davantage de pouvoir d’achat. Une Marseillaise est entonnée, des klaxons de soutien retentissent. Les forces de l’ordre se font discrètes hormis l’hélicoptère de la gendarmerie qui survole la zone.
« On est tous dans la même galère »
Quatre groupes doivent se répartir pour bloquer les entrées de l’autoroute A 8 et participer à une opération escargot au départ de Nice Nord. Dans une ambiance bon enfant, John, 32 ans, micro en main, répète une fois de plus les consignes de sécurité : « Pas de capuche, de visage masqué. Pas de fumigène. Pas de blocage de la circulation. » Père de trois enfants, exagent de maîtrise en reconversion à cause d’une maladie, John se félicite du pacifisme des Niçois en gilet jaune : « On est tous dans la même galère quel que soient l’âge, la catégorie socioprofessionnelle. » Une banderole rappelle au gouvernement et au président de la République que la grogne est générale : « Jeunes dans la misère, vieux dans la galère, peuple en colère. » Maurice revendique ce slogan et s’en prend, énervé, à «la presse collaborationniste » :« On devrait être des dizaines de milliers aujourd’hui. Je ne comprends pas qu’il n’y a pas davantage de mobilisation. Mais ça ne fait que commencer», prédit Maurice. Dans la discussion, le retraité (1 500 euros de pension par mois) se désole d’avoir été un peu vif et finit par accepter le dialogue : « Je ne suis pas contre les impôts, il en faut. Mais là les limites sont dépassées. Les politiques, on n’y croit plus. La CSG augmente sur les retraites et dans le même temps l’impôt sur la fortune est supprimé. »
Zone commerciale déserte
Avec 900 euros de retraite, Bernadette, elle, en veut à son fils de ne pas s’être joint au cortège des mécontents. « Je me bats pour moi mais aussi pour les plus jeunes. » Alors que des manifestants à pied se dirigent vers le rond-point le plus proche pour ralentir la circulation, la vache de Carine, perchée sur une 4 L camionnette, drapeau tricolore sur le dos, suscite les vivats. « On n’est pas des vaches à lait », peuton lire sur le flanc de cette voiture hors d’âge. « Une Renault 4 qu’on n’aura bientôt plus droit d’utiliser», se désole Carine, qui dit se situer dans la classe moyenne : « Il n’y a pas que la hausse des taxes sur l’essence. On en a ras-le-bol de tout. » Au péage de l’A8 Saint-Isidore, les policiers ont pris les devants et limité l’accès à l’autoroute avant même l’arrivée des manifestants. Rarement la ville de Nice, un samedi, a été aussi calme. La zone commerciale de Saint-Isidore est déserte. Qu’en sera-t-il aujourd’hui ? Les manifestants ne savent pas trop. La mèche de la colère a été allumée. Certains espèrent que « des corps de métier comme les routiers, les infirmiers, les VTC, les ambulanciers… prendront la suite » pour que le mouvement perdure. Marc, ans, vingt-six ans de cotisations, a enfilé un gilet jaune hier matin à Nice et a défilé à pied pour exprimer sa colère. L’augmentation des taxes sur le gasoil n’est pas ce qui l’exaspère le plus. Il en veut surtout à Emmanuel Macron de ne pas tenir sa promesse de défiscaliser les heures supplémentaires. « Je travaille à l’aéroport. L’été, en raison de l’augmentation du trafic, je fais beaucoup d’heures supplémentaires. Je bosse jusqu’à heures par semaine et du coup mon imposition a explosé. »