Nice-Matin (Cannes)

La trêve de trop

Complèteme­nt à côté du sujet à Rotterdam, la France vient de rendre sa plus mauvaise copie depuis un moment. Et dire qu’il reste encore un match, amical, face à l’Uruguay, mardi...

- MATHIEU FAURE

Pour son dernier match officiel de l’année 2018, l’équipe de France championne du monde s’est fait éparpiller façon puzzle sur la pelouse de Rotterdam par une équipe des Pays-Bas qui n’était même pas qualifiée pour le dernier Mondial (0-2). Il n’y a pas eu de match à vrai dire. Déjà dans le dur depuis le sacre russe, les Bleus ont cette fois perdu beaucoup de certitudes, à commencer par celle de se qualifier directemen­t pour le Final Four de la Ligue des nations puisque les Oranjes ont leur destin entre leurs mains avant d’affronter l’Allemagne, demain soir (un nul suffit aux Bataves).

« Je ne comprends rien à la Ligue des nations »

Les Bleus ont-ils perdu, du coup, leur billet direct pour l’Euro 2020 ? Pas du tout. C’est aussi pour cette raison, sans doute, que les matches de Ligue des nations n’ont pas encore totalement remplacé les amicaux dans l’esprit des Français. Pour s’en convaincre, il suffit de citer Ousmane Dembélé en octobre dernier, interrogé par M6 : « Je ne comprends rien. Déjà y’a trois équipes dans la poule, c’est quoi ça? Une qui descend, l’autre qui monte, le deuxième ne joue rien, il va en vacances. Je ne comprends pas, je n’ai pas compris. » Le Barcelonai­s n’est pas le seul. Pour se qualifier pour l’Euro, en fait, il faut toujours passer par des éliminatoi­res classiques qui se dérouleron­t de mars à novembre 2019. Les deux premiers de chaque groupe seront qualifiés pour l’Euro. La Ligue des nations décernera les quatre derniers billets via des barrages... qui se dérouleron­t en mars 2020. Et seront concernées les équipes qui n’auront pas validé leur billet via les éliminatoi­res classiques. En juin prochain, le Final Four ne donne droit, en gros, qu’à une place de barragiste assurée en cas d’échec futur au sein des éliminatoi­res. Autrement dit, ça ne change pas grand-chose pour les Bleus. Et si les joueurs n’ont pas compris l’intérêt sportif du match, difficile d’y trouver une motivation.

Le poids des absents

Évidemment, la formule tortueuse de la Ligue des nations n’explique pas la copie rendue à Amsterdam. Loin de là. On dit souvent que les absents ont toujours tort. Ce n’est jamais aussi faux qu’en football. A Rotterdam, la France a évolué sans trois cadres du Mondial : Paul Pogba, Samuel Umtiti et Lucas Hernandez. Et les Bleus, à commencer par Didier Deschamps, ont sans doute sous-estimé le poids de ces absences. « Je ne fais pas avec les absents. Et trouver ça comme excuse, ce n’est pas mon genre, a déclaré Deschamps après le match. Les joueurs qui sont là, je les ai choisis. Entre ce qu’on prévoit et ce qui se passe sur le terrain, il y a souvent une différence. On a été mis en grande difficulté et on a eu beaucoup de déchet technique, ajoutez à ça un engagement qui était supérieur chez eux. » Dans les faits, la France a remporté 70% de ses matches avec Paul Pogba (45 sur 64 disputés) et seulement 44% sans le Mancunien (7 sur 16). Vendredi , la qualité de passe vers l’avant de « La Pioche » a manqué. Son absence est un vrai poids pour les Bleus tant Pogba est devenu un leader et il n’est pas facile de le remplacer. D’ailleurs, Lucas Digne, Steven N’Zonzi et à un degré moindre Presnel Kimpembe n’ont pas réussi à faire oublier les absents. En octobre, Lucas Digne confiait ne pas avoir compris sa non-sélection pour le Mondial russe. Après ses récentes prestation­s en équipe de France, et notamment celle de Rotterdam, difficile de lui donner raison. Le gouffre entre les titulaires et les remplaçant­s est, encore aujourd’hui, immense en équipe de France. Un garçon comme Kylian Mbappé, tout génial qu’il est, n’est pas encore assez mûr pour s’affirmer en leader incontesté d’une équipe. Il ne peut pas tout faire, tout seul.

Une décompress­ion logique

Depuis le sacre russe, la France fait également moins peur. Normal, le sas de décompress­ion est passé par là. Deschamps encore : « Il y a un après Coupe du monde pour tout le monde. Cette Ligue des nations est très difficile. Il y a peut-être une part de décompress­ion. C’est une période difficile pour nous, avec des blessés aussi, même si ce n’est pas une excuse. Avec les joueurs qui sont là, on doit faire mieux.» Les Bleus ont perdu les bases : la concentrat­ion, la notion de bloc équipe, l’efficacité dans les deux surfaces. « On aurait pu jouer des heures sans marquer, il nous a manqué beaucoup de choses, notamment dans l’utilisatio­n du ballon », analyse Hugo Lloris. « On n’était pas dedans. Ce n’était pas nous. On a eu beaucoup de joueurs absents importants pour nous et ça s’est vu », poursuit Antoine Griezmann. « Nos insuffisan­ces ont été criantes, conclut Deschamps. Tout ce qui a fait notre force et nous a permis d’enchaîner de bons résultats, il n’y en avait pas assez face aux Pays-Bas pour décrocher un résultat. »

Le match de trop ?

Reste ce match contre l’Uruguay, mardi. Pour le coup, il s’agit vraiment d’un amical placé dans une trêve hivernale qui n’arrange personne, surtout à quelques jours de rencontres décisives en Ligue des champions, un vrai enjeu pour les joueurs. Du coup, qu’attendre de cette rencontre sans enjeu ? « On a un autre match devant nos supporters qui arrive, étaye Griezmann. Il ne compte pas mais ce sera l’occasion de remettre les choses en ordre. » Il ne reste que ça, l’orgueil. Et montrer que cette affreuse copie de Rotterdam n’était qu’un vulgaire accident. La page 2018, étoilée, va bientôt se refermer. Et 2019 arrive vite avec son objectif principal : se qualifier pour l’Euro 2020. Car en football, le prochain match efface systématiq­uement le précédent.

 ?? (Photo AFP) ?? A l’image de Kylian Mbappé, trop esseulé et maladroit, la France n’a jamais fait illusion aux Pays-Bas.
(Photo AFP) A l’image de Kylian Mbappé, trop esseulé et maladroit, la France n’a jamais fait illusion aux Pays-Bas.

Newspapers in French

Newspapers from France