Écrire pour faire (ré)agir
“Je
voulais qu’il m’aime, oui. Mais pas comme ça. ”
« La toute première fois où cela arrive, on est surpris on ne sait pas ce que c’est. Moi je voulais qu’il m’aime cet homme, c’était un deuxième papa mais je ne voulais pas qu’il m’aime comme ça. En fin de compte il y a le viol mais vous ne pensez pas du tout que cela va arriver une deuxième fois. Et lorsque cela arrive vous vous rendez compte que c’est destructeur. Parce que toutes les conditions sont réunies pour que ça revienne. C’est la répétition qui est difficile derrière. Vous vous retrouvez seule à la maison avec lui et là vous vous mettez dans un coin en vous disant : il ne va plus se rappeler que je suis là. Il m’appelait, je ne répondais pas. Je ne bougeais pas. Alors il hurlait. Et là, j’y vais. Pourquoi ? Je ne sais pas... Vous avez peur, c’est l’adulte qui appelle. Et il était terrorisant, c’était une masse. Et puis vous vous dédoublez. Vous êtes là en étant mentalement ailleurs. Et quelle est la chose qui vous dit qu’il faut revenir ? Je ne sais pas. Du tout. » L’écriture comme un déclic. C’est en grattant quatre pages instinctivement et en les remettant à son thérapeute que Sylvaine P. a débuté cette démarche : « Il m’a dit : là, il n’y a pas tout. La machine était lancée, dix pages, trente pages... » Aujourd’hui, son manuscrit est prêt. Mais se faire éditer représente un coût. Alors, pour l’instant, son ouvrage attend. Et si elle a choisi de raconter la violence de son enfance, c’est avant tout pour que « les choses avancent ». Pour que le sujet de l’abus et des violences sexuelles envers les enfants reste abordé. Que les questionnements autour de la prescription restent d’actualité : « Elle ne devrait tomber qu’à la mort du bourreau. Mais sinon : jamais ! »