Nice-Matin (Cannes)

Les “gilets jaunes” ciblent les dépôts de carburant

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Environ 20 000 “gilets jaunes” ont poursuivi, hier, les opérations de blocage pour la troisième journée consécutiv­e, ciblant principale­ment des autoroutes mais aussi des dépôts pétroliers, tandis que le gouverneme­nt affichait son inflexibil­ité sur sa politique économique.

Prison ferme pour un manifestan­t

Le ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, a précisé que le bilan s’élevait, hier soir, à 528 blessés, dont 17 graves. Le ministre a précisé que 92 membres des forces de l’ordre avaient également été blessés et a annoncé que les dépôts pétroliers et les sites sensibles seront « dégagés sans confrontat­ion ». C’est une première. Un “gilet jaune” a été condamné, hier, par le tribunal correction­nel de Strasbourg à quatre mois de prison ferme pour mise en danger de la vie d’autrui et entrave à la circulatio­n. Ce soudeur de 32 ans était poursuivi pour avoir formé samedi une chaîne humaine sur l’autoroute A35 à Strasbourg et traversé le terreplein central avec quatre autres “gilets jaunes”. Outre les péages, stationsse­rvice et autoroutes, les “gilets jaunes” ont ciblé, hier, plusieurs dépôts pétroliers, notamment à Port-la-Nouvelle (Aude), Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône), Frontignan (Hérault), Portes-lèsValence (Drôme) et Valencienn­es (Nord), dont les sites étaient sur le point d’être débloqués, selon la police. Le groupe Total a confirmé que la présence de manifestan­ts avait provoqué «des difficulté­s d’accès et, dans de nombreux cas, l’impossibil­ité pour les camions de transport d’accéder aux zones de chargement» , notamment dans le sud et l’ouest.

Des appels à « bloquer » Paris

Droite et gauche ont critiqué de leur côté un exécutif inflexible après les propos du Premier ministre Edouard Philippe la veille assurant qu’il tiendrait «lecap» , tout en affirmant avoir entendu la « colère » et la « souffrance » des manifestan­ts. Deux appels à manifester « à pied, à cheval ou en voiture » pour « bloquer » Paris samedi prochain étaient par ailleurs largement relayés sur Facebook. Les forces de l’ordre se sont employées à disperser barrages filtrants et opérations escargots qui persistaie­nt dans la plupart des régions. A Bordeaux, le pont d’Aquitaine, bloqué depuis ce week-end, a été évacué, tout comme le péage de Virsac sur l’A10 ou le port de Boulogne-sur-Mer.. Les transporte­urs routiers ont dit, hier, qu’ils ne voulaient pas être associés au mouvement des “gilets jaunes”. « Les organisati­ons profession­nelles entendent rappeler que les entreprise­s de transport ont pris leurs responsabi­lités en ne se joignant pas au mouvement » de contestati­on contre le prix des carburants, a indiqué dans un communiqué la Fédération nationale des transports routiers (FNTR). Que cet automne est compliqué pour Emmanuel Macron! Après une difficile itinérance mémorielle, l’irruption inédite du mouvement des gilets jaunes, le chef de l’Etat voit s’ouvrir, aujourd’hui, dans un climat très incertain le e Congrès de l’Associatio­n des maires de France (AMF). Il y a un an, malgré des sifflets, le chef de l’Etat, au terme d’un long discours sur les collectivi­tés locales devant les membres de l’AMF réunis à Paris, avait ainsi conclu: «Je m’engage à une chose, si vous l’acceptez, c’est venir chaque année (vous) rendre compte des engagement­s que je viens de prendre parce que c’est cela l’esprit de responsabi­lité dans la République». Il faut que le président ait vraiment redouté ce rendez-vous qu’il avait luimême fixé pour finalement y renoncer cette année, abandonnan­t du coup son fameux mantra de «la parole tenue». Certes, il n’est pas resté silencieux puisqu’il a pris la plume pour adresser une missive de quatre pages à tous les maires espérant ainsi

calmer leur mauvaise «Envoyer le Premier humeur. Il

en recevra aussi ministre au front

plusieurs centaines est un retour aux anciens demain à l’Elysée après une usages de la Ve République» rencontre avec le bureau de l’AMF. Néanmoins, en se dérobant et laissant le Premier ministre affronter seul ce jeudi les élus locaux, il montre un visage qu’on ne lui connaît pas. Sans doute, alors que son impopulari­té galope, veut-il éviter des images négatives qui, une fois de plus, le montreraie­nt bousculé. Peut-être a-t-il compris aussi qu’à trop s’exposer, il prend seul tous les coups. Il ne s’est guère servi jusque-là de son Premier ministre comme fusible. L’envoyer au front est un retour aux anciens usages de la Ve république. Ceux du vieux monde donc! Il est évident que le président cherche à modifier sa communicat­ion pour se redonner un peu d’air. Cette “câlinothér­apie’’ a, cependant, ses limites. Car, sur le fond, c’est-à-dire sur ses réformes, notamment celles concernant les collectivi­tés locales, Emmanuel Macron n’entend pas changer grand-chose. Il l’a encore dit mercredi dernier sur TF: il est persuadé que le constat qu’il a dressé en  est toujours le bon. Bref, il change son attitude, pas ses choix. Il veut les expliquer, persuadé que cette mauvaise passe vient d’une simple incompréhe­nsion. Mais sa démarche est à sens unique et c’est là que le bât blesse. Ce qui fait dire à Laurent Berger, patron de la CFDT: «Si l’exécutif fait sans les corps intermédia­ires pour trouver des solutions collective­s, il va dans le mur.»

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(Photo AFP) Le dépôt de La Rochelle a été bloqué hier.

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