Nice-Matin (Cannes)

Gérard Krawczyk, grand amoureux de l’écriture

Interview du réalisateu­r des films Taxi, dans le cadre des Rencontres Cinématogr­aphiques de Cannes. Un regard original sur l’écriture de l’image dont il parlera à la médiathèqu­e Noailles ce samedi à 15 h

- PROPOS RECUEILLIS PAR CLÉMENT TIBERGHIEN ctiberghie­n@nicematin.fr

Vous présentez, jusqu’à samedi, une exposition photo au Miramar: Une image sur  

Je suis venu au cinéma par la photograph­ie. Je fais des photos au portable, depuis qu’il y en a sur les téléphones. Au début, c’était très peu performant, alors j’utilisais cette définition de façon créative. J’obtenais un rendu un peu comme un photogramm­e de film. J’écris, en dessous, la séquence du faux film et je fais composer une musique originale par des profession­nels. Ensuite, je demande aux gens d’imaginer un petit texte, que leur évoque cette photo.

Samedi, à  h, vous animez une table ronde écriture et cinéma à la médiathèqu­e Noailles…

Chacun va choisir une photo, et écrire une séquence supposée se passer avant ou après pour s’initier à l’écriture cinématogr­aphique.

Quelques conseils pour bien écrire ?

Chacun trouve sa boîte à outils. Il faut s’asseoir un moment et écrire, se donner des heures, fermer son téléphone, ne rien faire d’autre. Cette expo permet aussi de démarrer à partir de quelque chose, et d’éviter ainsi le syndrome de la page blanche.

Vous vous êtes également essayé, par petites touches, au jeu d’acteur:

Je trouve que derrière ou devant la caméra, on n’entend pas pareil. Face à la caméra, l’acteur attend quelque chose de vous et inversemen­t. Avoir eu une petite expérience de l’autre côté de l’objectif permet de voir ce que les acteurs attendent vraiment de nous. Parfois, sans s’en rendre compte, notre écoute est sélective et il ne faudrait pas.

Vous avez choisi, en carte blanche, Je hais les acteurs, césar du meilleur premier film :

Petit, je voyais plus de films américains que de films français. Plus récemment, j’ai adoré des films comme The Artist. Ça m’a fait chaud au coeur que quelqu’un ait aussi cet amour pour le cinéma américain des années . Ce qui incarne ce genre, ce sont les gens, les rapports entre eux, c’est indémodabl­e, et c’est ce que j’ai voulu raconter. Je n’ai pas beaucoup de famille et, petit, quand l’instituteu­r demandait de faire une rédaction sur un weekend chez les grands-parents, je devais inventer ce que j’écrivais.

Votre seconde carte blanche est consacrée aux Producteur­s de Mel Brooks :

C’est un humour que j’adore ! Il a eu un oscar, c’était pourtant son premier film. Il y a une vraie liberté de ton, c’est complèteme­nt absurde. C’était une façon de le faire découvrir aux gens !

Quelle est le ou la comédienne avec qui vous avez le plus apprécié travailler ? Peut-être Pauline Lafont. J’ai eu beaucoup de chance pour mon premier film parce que tout le monde voulait jouer dedans! Et pourtant ça s’appelait Je hais les acteurs [rires]. Un film gonflé, parce que tourné en noir et blanc. La télévision n’en passait plus. On m’a demandé de le coloriser et j’ai refusé. Dans les années , ce genre de procédé donnait d’ailleurs un rendu plutôt moyen.

Les films Taxi, une belle aventure ?

Je me trouvais en Corse, en vacances. L’assistant, Stéphane, avec qui je travaille, était sur Taxi . Il m’appelle, et me dit que le réalisateu­r a eu un accident et que le film est arrêté. Je connaissai­s Luc Besson [le producteur, Ndlr], je lui avais proposé de participer au film. Il m’a appelé, et m’a envoyé le scénario que j’ai lu dans l’avion. Ce n’était pas mon style de cinéma mais j’aime les voitures et les motos [rires]. Une fois arrivé à Orly, je lui dis que je marche. On est vendredi, et le samedi j’étais à Marseille. Le lendemain, Luc Besson arrive. Lundi matin, à  h, l’équipe était là, je devais faire le premier plan avec le radar qui tombe. On ne savait pas du tout ce que ça allait donner. Il y avait des tas de mômes du quartier qui posaient tout un tas de questions. Samy Naceri, Marion Cotillard, Frédéric Diefenthal… Les enfants m’ont dit «Ce ne sont pas des stars, Monsieur, mais des gens comme nous ». J’avais tapé dans le mille.

Les clichés sur Marseille, ça vous agace?

J’ai réalisé un portrait de Marseille en . C’est une ville que j’adore, complexe, difficile à comprendre. En faisant le portrait de la ville, j’ai suivi  anonymes qui me parlent de Marseille dans leur travail. Il y a une fierté marseillai­se, de son quartier, que l’on rencontre souvent dans les villes portuaires qui accueillen­t de l’immigratio­n, un peu comme à New York. Je ne suis pas marseillai­s mais j’adore cette ville, et à travers Taxi j’ai toujours essayé de la filmer comme on filme une amie.

Une anecdote?

Avant, quand on montait, on coupait les bandes à la main, et on reliait tout au scotch. Bien souvent, on finissait par avoir un tas de scotch [rires]. Aujourd’hui, on peut mettre un plan d’une seule image si on veut!

Des projets ?

Je suis sur l’écriture d’un nouveau film, qui se passe en Russie sur trois époques, des tsaristes à aujourd’hui. La romance entre la France et la Russie ne s’est jamais démentie pour la littératur­e, la musique, la danse. Il y a quelque chose qui émerge depuis un certain nombre d’années : qui écrit l’histoire ? Aujourd’hui ce sont les écrivains, les cinéastes, les historiens, et ça pose la question de notre influence. Ce film sera avant tout une très grande histoire d’amour.

‘‘ S’asseoir un moment et écrire ”

 ??  ?? Gérard Krawczyk est venu, entre autre, initier le public à l’écriture d’image. (Photo Cl. Tiberghien)
Gérard Krawczyk est venu, entre autre, initier le public à l’écriture d’image. (Photo Cl. Tiberghien)

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