Carlos Ghosn lâché de toutes parts
Destitué de son poste de président de Nissan demain, il reste P.-D.G. de Renault mais Thierry Bolloré, n° 2, assurera la direction exécutive
Le gouvernement français a lâché à son tour Carlos Ghosn, toujours en garde à vue au Japon hier sur des soupçons de malversations, et dont la chute brutale fait tanguer l’empire automobile qu’il a construit en mariant Renault, Nissan et Mitsubishi Motors. Le ministre français de l’Economie Bruno Le Maire a demandé, hier, à Renault, dont l’Etat détient 15 %, de mettre immédiatement en place une gouvernance intérimaire puisque « M. Ghosn est, aujourd’hui, empêché de diriger l’entreprise ». Le conseil d’administration de Renault, qui s’est réuni hier soir, a décidé de confier la direction exécutive « à titre provisoire » au numéro deux du groupe, Thierry Bolloré. A ce titre, il disposera des « mêmes pouvoirs » que Carlos Ghosn maintenu dans ses fonctions de P.-D.G. Demain, il va être débarqué de Nissan et Mitsubishi. Lâché de toutes parts, Carlos Ghosn, qui était considéré à 64 ans comme l’un des plus puissants capitaines d’industrie au monde, est toujours détenu à Tokyo, où il a été arrêté lundi en descendant de son jet privé. Le chef du premier groupe automobile mondial a reçu la visite de l’ambassadeur de France « au titre de la protection consulaire ».
« Nombreuses malversations »
Le parquet japonais reproche au Francolibano-brésilien d’avoir « conspiré pour minimiser sa rétribution à cinq reprises entre juin 2011 et juin 2015 », en ne déclarant que 4,9 milliards de yens (environ 37 millions d’euros au cours actuel) contre près de 10 milliards de yens sur la période. Dans une conférence de presse d’une brutalité hors norme, le président exécutif de Nissan, Hiroto Saikawa, a également mentionné lundi « de nombreuses autres malversations, telles que l’utilisation de biens de l’entreprise à des fins personnelles », qui auraient été découvertes après plusieurs mois d’enquête interne. Selon les médias locaux, une filiale de Nissan a financé l’achat de luxueuses résidences dans quatre pays, propriétés dans lesquelles Carlos Ghosn se rendait gratuitement à sa guise. Il aurait, en outre, selon la chaîne publique NHK, empoché des sommes déclarées au nom d’autres administrateurs. La rémunération de ce patron aussi puissant que secret a déjà donné lieu à bien des polémiques, tandis que son train de vie a également pu susciter des commentaires, à l’image par exemple de sa réception de mariage en grande pompe au château de Versailles en 2016. Carlos Ghosn touchait quelque 15 millions d’euros par an au titre de ses diverses fonctions, un montant particulièrement élevé pour un industriel européen ou japonais, bien que très éloigné des faramineux salaires versés par exemple dans la finance aux Etats-Unis.