BLACK FRIDAY : LA FOLLE COURSE AUX PROMOS
La célèbre exclamation de Coluche résume bien la frénésie consumériste du «Black Friday» 2018. Les promos sont partout, durent plus longtemps: sacré paradoxe à l’heure de la crise du pouvoir d’achat
Hi-fi, vêtements, maroquinerie... Les réductions se multiplient dans tous les rayons et durent bien plus qu’une journée. Sur la Côte, les indépendants comme les grands centres cèdent à cette frénésie consumériste, sur fond de crise des « gilets jaunes » et du pouvoir d’achat. Décryptage d’un phénomène.
Il est partout. Sur le web, les SMS, les vitrines, dans l’informatique, l’habillement, la parfumerie, chez les voyagistes, les banques... et même sur des bouteilles de pastis ! Impossible de le rater : le Black Friday est déjà là. Bien au-delà du vendredi 23 novembre 2018. Cruelle ironie de notre société de consommation. Au moment où la révolte des « gilets jaunes » traduit une crise du pouvoir d’achat, les Français vivent une offensive commerciale d’une ampleur inédite à cette période de l’année. Le Black Friday importé des Etats-Unis, cette opération de déstockage massif au lendemain de Thanksgiving, est encore montée en puissance. La Côte d’Azur peut en témoigner.
Ils y viennent tous
«Tout le monde fait son Black Friday!» Julie Magnan-Antonini, directrice marketing de Cap 3000, confirme la tendance. Dans le centre commercial de Saint-Laurent-duVar, les promotions fleurissent. «On voit des offres vraiment percutantes de - 50 % chez certains. Les dernières boutiques s’y sont mises cette année. C’est compliqué de ne pas faire un geste commercial... » Même constat chez Polygone Riviera. À Cagnes-sur-mer, les équipes sont sur le pont pour ce Black Friday, « avec des offres pouvant atteindre - 60 %. On observe une participation croissante des enseignes par rapport à l’an dernier, avec des offres exclusives valables de trois jours à une semaine», témoigne Guillaume Creuze, le directeur du centre. Pour plus d’impact encore, Polygone épaule ses enseignes avec une campagne de com’.
Un jour qui dure
« Cela devient le “Black Friday weekend”. Voire la “Black Friday Week”!» On ne l’arrête plus, constate Julie Magnan-Antonini. Nombre de commerçants ont pris les devants dès le week-end dernier. À commencer par les acteurs du e-commerce, épicentre du Black Friday. Mais le commerce traditionnel suit. Dans le centre de Nice, rue de l’Hôtel-des-Postes, la parfumerie Rose de France joue la carte Black de mardi à samedi. «C’est une semaine intense, atteste Vanessa Hoarau, responsable des deux magasins. On avait commencé l’an dernier, ça avait très bien marché. On surfe sur la vague, avec des promotions qui atteignent -35 %. Les deux derniers jours, ça va être le feu ! »
Obligés de suivre
Un peu plus loin, chez Coco’n shopping, Elsie De Mik, présidente de l’association de commerçants Nice Prestige, s’apprête à suivre le mouvement. Résignée. « Je n’ai pas de réponse face à la concurrence d’un beau centre commercial. On est obligé de s’aligner. Si quelqu’un entre dans la boutique et demande “Vous faites le Black Friday ?” et qu’on lui dit non, il repart... » À La Bagagerie voisine, Christel Coué dévoile les promos sur ses sacs et valises: - 30, - 40, - 50 %... La campagne 2017 fut fructueuse. Le cru 2018, lui, démarre en mode diesel. La pluie et les blocages sont passés par là. « Ce clignotant” gilets jaunes” nous inquiète un peu pour le week-end à venir. Mais les commerçants ont pu se réachalander. C’est la deuxième année où le commerce traditionnel suit le mouvement. Tous les feux sont au vert» ,positive Philippe Desjardins, président de la fédération du commerce de Nice.
C’est déjà Noël
Chez les petits comme les gros du secteur, on se prépare à une fin de semaine sur les chapeaux de roues. Les clients aussi. «Il y a un très bon répondant. Ils sont contents de voir des réductions de - 20 %, -40 %. Avoir une telle réduction sur un article que vous allez utiliser tout l’hiver, ça vaut le coup ! », s’exclame Philippe Desjardins. Autre avantage, souligne Julie Magnan-Antonini : «Les gens savent que ce sera l’occasion pour eux d’acheter leurs présents pour Noël. » Car c’est déjà Noël, ou presque. Le Black Friday tend à s’inscrire dans l’agenda des ménages. « Cet événement devient un temps fort incontournable au même titre que Noël ou les soldes », dixit Guillaume Creuze. Reste le risque de diluer l’offre dans une campagne trop longue. Ou trop artificielle, dopée par ces «fausses promotions» qui fleurissent sur Internet. Philippe Desjardins met en garde : « Il faut que nous, professionnels, nous disions: “Attention, ne tombons pas dans une dérive façon soldes !” Sinon, pourquoi ne pas commencer le Black Friday au mois d’août ? »