Nice-Matin (Cannes)

Est-ce une révolution ? Non Sire, c’est bien une révolte

- de PATRICE MAGGIO Directeur adjoint des rédactions du groupe Nice-Matin edito@nicematin.fr

Mais enfin, que veulent-ils? Que l’essence baisse? Que Macron démissionn­e? Que la pression fiscale redescende? Que les services publics se développen­t? Noël en novembre et Pâques au balcon? Difficile de résumer en deux mots ce mouvement iconoclast­e, sinon par «terribleme­nt français». Ils sont pétris de contradict­ions ; ils n’aiment ni les politiques, ni les syndicalis­tes, ni les journalist­es ; ils sont désorganis­és, imprévisib­les, précarisés, débrouilla­rds, énervés, trop peu payés, mal vus à l’étranger, en fait, un précipité d’identité nationale, un best of de toutes les études d’opinion, la conclusion logique d’un lent et long divorce entre le pays profond et ceux qui parlent en son nom. Sachant cela, il est bien trop tôt pour enterrer les « gilets jaunes ». C’est plus profond qu’il n’y parait. «Est-ce une révolution?» Non Sire, c’est seulement une révolte. Mais avant de s’exprimer, elle a maturé dans la tête de ces hommes et de ces femmes souvent brinquebal­és par la vie et le Code du travail : on ne renfermera pas leur

colère dans « A deux jours de nouveaux

sa boîte aussi blocages pénalisant­s pour facilement. Même si certains l’activité commercial­e, c’est ont autant pour notre économie déjà jeté l’éponge, effrayés que pour notre démocratie par la qu’il faut s’alarmer. » multiplica­tion des incidents, il faut s’attendre à une nouvelle déferlante ce week-end, à Paris et en province. Plus de  d’entre eux se disent intéressés sur les réseaux sociaux par la manifestat­ion de samedi dans la capitale. À l’automne , déjà, la coordinati­on des infirmière­s prenait ministres, partis et syndicats par surprise en attirant  praticienn­es surmenées et mal payées dans la rue. Le premier septennat Mitterrand avait déçu. La cohabitati­on droite/gauche était un échec. Elles défilaient sous le slogan «Ni bonnes, ni nonnes, ni connes». Les « gilets jaunes » sont les dignes héritiers de ces blouses blanches. La différence? Zéro banderole mais des centaines de murs Facebook en partage. Trente ans plus tard, le contexte politique a changé. Pourtant, la frustratio­n des électeurs est toujours aussi forte. Voire décuplée. Dimanche dernier, au premier tour de la législativ­e partielle dans l’Essonne organisée après la démission de Manuel Valls, l’abstention a atteint  % ! Et leur vie ne s’est pas améliorée : depuis ,  € de revenu en moins par ménage, chaque année, selon

une étude l’OFCE publiée hier... A deux jours de nouveaux blocages pénalisant­s pour l’activité commercial­e, c’est autant pour notre économie que pour notre démocratie qu’il faut s’alarmer. Dans les deux cas, c’est une question d’argent.

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