David Lisnard: «Les maires ne sont pas des supplétifs» Eric Ciotti nommé à l’Intérieur dans le « cabinet fantôme » LR
Vice-président de l’Association des maires de France, David Lisnard, premier magistrat LR de Cannes, n’était pas hier soir à la réception organisée à l’Elysée. Il n’y voit qu’une opération de com’, à l’heure où l’Etat, estime-t-il, n’en finit plus de resserrer sa tutelle sur les communes. Il appelle à laisser les élus locaux travailler en responsabilité.
Les maires dénoncent une baisse des dotations. Le gouvernement assure qu’elles sont étales, voire rehaussées. Qui croire ?
Le malaise ne porte pas que sur les dotations. Il est bien plus profond : il porte sur la réalité de la démocratie locale et sur la capacité des communes à être indépendantes. Concernant les dotations, on voit une augmentation des charges transférées aux communes et, en parallèle, une diminution de leurs pouvoirs, doublée d’un assèchement financier, qui ne date pas d’aujourd’hui. Alors que l’Etat voit sa dette continuer d’augmenter, les communes ont réussi à économiser milliards. Concrètement, pour , sur les communes, ont vu leur dotation baisser. Voilà la réalité. L’autre problème est que les maires ont le sentiment d’avoir moins de pouvoir d’action, alors que leurs administrés attendent toujours autant d’eux, voire plus. C’est pour cela qu’il faut vite qu’un dialogue soit renoué, dans le calme, entre l’Etat et les collectivités. Mais un vrai dialogue, pas une opération de communication comme ce sauve-qui-peut monté en quelques heures à travers la réception des maires à l’Elysée.
Outre l’aspect financier, avez-vous des exemples du renforcement de la tutelle de l’Etat ?
Les exemples sont multiples. Par exemple, pour l’entretien des plages, je ne parviens quasiment plus à obtenir d’autorisations pour enlever les posidonies, alors que nous en assumons la charge. Le gouvernement souhaite aussi imposer un référent du ministère de l’Intérieur aux polices municipales. On passe notre temps dans la paperasserie, la bureaucratie. La contractualisation limitant les dépenses de fonctionnement nous place de fait sous tutelle de l’Etat. Et la nationalisation du versement de substitution à la taxe d’habitation ne va rien arranger. La suppression de la taxe d’habitation enlève un ressort fiscal aux maires, qui ont l’impression de devoir sans arrêt obtenir des blancs-seings de l’Etat.
Qu’attendez-vous de l’Etat en faveur des communes ?
Qu’on nous laisse prendre des décisions, assumer nos responsabilités, sans être en permanence obligés de rendre des comptes. Nous menons un travail difficile. Nos administrés en ont assez d’être surprélevés et les usagers, qui sont les mêmes, veulent des services publics de qualité. Il nous faut plus de marge de manoeuvre, selon un principe simple : qui paie décide et qui décide paie. Les maires ne peuvent pas être juste des figurants ou les supplétifs d’un Etat centralisé. L’étatisme et le fiscalisme sont archaïques. La modernité réside dans la commune, dans la proximité et la responsabilité. Le monde entier est en train de recréer des petites unités et nous sommes, hélas !, engagés dans le mouvement inverse.
PROPOS RECUEILLIS PAR THIERRY PRUDHON
Eric Ciotti a été nommé « ministre de l’Intérieur » du « cabinet fantôme » des Républicains, dévoilé, hier, par le président du parti d’opposition Laurent Wauquiez, Le député des Alpes-Maritimes est la personnalité politique la plus connue de ce « cabinet fantôme » (shadow cabinet) composé de trentequatre membres en charge, à l’instar de l’Intérieur, de l’Aménagement du territoire ou de la Défense…
Nouvelles têtes
Presque un an après son élection à la présidence, Laurent Wauquiez a donc parié sur des têtes nouvelles (qui n’ont jamais été ministres) pour enclencher la reconquête du pouvoir en 2022. « C’est l’ensemble des bases de cette nouvelle droite qui sont maintenant en ordre de marche, a déclaré le président de LR, également à la tête de la région Auvergne — Rhône — Alpes. C’est une équipe de renouvellement. Ce sont des nouveaux visages, qui ne sont pas forcément connus des médias et c’est précisément ce qu’on a voulu […] ? Ce que j’attends d’eux, c’est qu’ils viennent avec un regard neuf, nouveau et qui permette de changer nos réflexes, nos modes de raisonnement et notre approche. » Le shadow cabinet est une tradition très institutionnalisée dans les pays anglosaxons, où chaque responsable d’un dossier est un futur ministre en puissance. En France, la désignation d’un tel cabinet par les partis d’opposition est peu fréquente, mais pas inédite. La présidente du RPR, ancêtre de LR, Michèle AlliotMarie avait nommé en 2000 un cabinet alternatif au gouvernement de la gauche plurielle de Lionel Jospin. Le PS avait fait de même en 2007 après la victoire de Nicolas Sarkozy.