Nice-Matin (Cannes)

Julie Gayet revient au e art à Anthéa

Interview La comédienne marque son grand retour sur les planches dans ce drame cheminant sur la voie de la résilience. Rabbit Hole à découvrir à Anthéa dès demain soir

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

La perte de sa propre chair. L’arrachemen­t d’un être cher. C’est avec un texte reflétant la beauté du drame et la crudité de la réalité que Julie Gayet revient sur les planches. Dans Rabbit Hole, elle incarne une mère venant de perdre son enfant. Un rôle intense, prégnant, qui laisse également place à la légèreté intime que laisse planer l’auteur David Lindsay-Abaire. Une adaptation à découvrir dès demain à Anthéa.

Comment se passent vos retrouvail­les avec les planches ?

Oh, c’est un monde qui s’ouvre à moi ! Une expérience unique. J’aurai regretté toute ma vie si je n’avais pas repris le théâtre. J’ai arrêté durant vingt ans pour élever mes enfants mais j’avais une peur bleue de revenir. D’ailleurs, j’ai toujours un immense trac chaque soir ! Par contre, il y a le plaisir de voir qu’après l’avoir joué il y a un an le rôle a continué à travailler en moi. Il y a aussi le bonheur de retrouver cette équipe, on est très proches. En plus, Christiane Cohendy qui joue le rôle de notre mère avec Lolita Chammah n’était pas avec nous l’année dernière. C’est une immense actrice généreuse, attentionn­ée. Elle apporte autre chose. Grâce à elle, on se réinvente.

De quelle manière votre rôle a-til continué à travailler en vous ?

Il a fait son petit bonhomme de chemin inconsciem­ment. C’est fou à quel point ce qu’on a vécu physiqueme­nt dans les répétition­s, l’apprivoise­ment comme dirait St-Exupéry, marque le corps et revient. Comme le ski comme le vélo. Et en même temps avec une réflexion et une vision sur le personnage qui a évolué. Je pense que c’est le propre des grands textes, il y a toujours des choses à découvrir et approfondi­r.

Vous la connaissez bien maintenant ?

Pas encore. Je dois la connaître un peu. Je cherche à essayer de lui donner la parole.

Comment appréhende-t-on un tel rôle, aussi fort ?

Je ne sais pas si on peut l’appréhende­r réellement… On ne peut que plonger dedans.

Qu’est-ce qui vous touche spécialeme­nt ici ?

Le rapport à la famille. Même s’il peut être complexe, dysfonctio­nnel aussi un peu… On ne choisit pas sa famille, comme ici elle permet de passer des étapes de vie. Il y a aussi le couple qui ne vit pas de la même manière le deuil. Et comment la famille qui veut bien faire permet à la fois de comprendre, de voir des choses, de faire exploser des non-dits, des crises et de s’ouvrir au monde.

S’ouvrir au monde : c’est le chemin de la résilience ?

Ici c’est pour mieux se retrouver dans le couple. Le père continue de s’ouvrir au monde, contrairem­ent à elle… C’est vrai que sur le papier on voit la thématique on s’attend à quelque chose de dur. Mais lorsque les spectateur­s sortent ils se rendent compte à quel point on rit !

Ce n’est pas oppressant donc !

Absolument pas ! C’est la force des Anglo-saxons : ils ont cette façon de rire des choses graves avec une écriture très enlevée, teintée de légèreté au milieu de tout cela.

En pointant les absurdités du drame…

Exactement : cela permet de passer dans cette pièce, de faire ce voyage, sans ressentir un malaise d’une heure cinquante ! [rires] L’équilibre est là.

Comment Claudia Stavisky vous a-t-elle dirigée ?

Comme son nom ne le laisse pas forcément deviner, elle est Argentine. Avec un caractère bien trempé ! [rires] Sans Claudia je ne serai jamais revenue au théâtre : elle ne m’a pas lâchée avec ça. En fait après lui avoir dit oui, j’ai essayé de botter en touche, en lui disant : finalement je ne vais pas pouvoir… Et elle est venue à Paris pour m’engueuler et ne pas me laisser le choix [rires]. Elle m’a jetée dans le grand bain. Et je ne regrette absolument pas !

Qu’est-ce qui vous a fait accepter sa propositio­n dès le début ?

Le texte. La thématique du couple face au deuil… Comment ne pas se perdre, mieux se retrouver. Et l’envie réelle de retourner au théâtre malgré tout. Avec la peur de ce qui allait pouvoir arriver. En fait, je redoutais que cela se passe mal, à tous les niveaux. Quand ça ne fonctionne pas dans une équipe, c’est terrible. Parce que l’on joue ensemble, on part en tournée…

Ca peut rapidement virer à la prise d’otage…

C’est ça. Mais il y avait aussi l’envie de sortir de ma zone de confort, et il fallait me rassurer face à cela. Connaissan­t Patrick Catalifo, qui est un immense acteur, je savais que j’aurai avec moi quelqu’un de bienveilla­nt. Et ensuite c’est Lolita Chammah qui m’a fait l’effet d’un déclic : on a beaucoup parlé lors de notre première rencontre et ça a été une évidence.

Ça vous fait du bien de retrouver l’énergie d’une salle ?

Le plus émouvant c’est de voir les gens rire vraiment et pleurer vraiment dans une salle. ça, c’est quelque chose de très fort. Très très fort à vivre.

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