Nice-Matin (Cannes)

Bernard Tapie: «Profitons de la chance d’être en vie»

De passage à Monaco, où il est suivi médicaleme­nt, il a accepté d’être le parrain de la promotion de la faculté de médecine de Nice. Bernard Tapie évoque son combat face au cancer

- PROPOS RECUEILLIS PAR JOËLLE DEVIRAS

Plus trop souffrant, mais pas guéri pour autant. «En rémission ». C’est le terme pudique qu’utilisent les médecins pour désigner le répit incertain de Bernard Tapie après son cancer. «Je suis dans le long voyage », explique-t-il avant de rejoindre les étudiants pour la rentrée solennelle de la faculté de médecine de Nice [lire cidessous], accompagné par le docteur Philippe Brunner du centre hospitalie­r Princesse-Grace de Monaco, qui suit son parcours médical depuis le diagnostic de l’été 2017. Entre la baie des Anges et la Principaut­é, celui qui croque la vie depuis 75 ans, le touche-à-tout du sport, des arts, de la politique et des affaires a confié son vécu.

Comment vous sentez-vous aujourd’hui ?

Il y a deux choses. La première sans gravité, c’est le vécu au quotidien. Les opérations que j’ai subies sont lourdes de conséquenc­es. Je n’avais déjà plus de vésicule biliaire. Il me manque maintenant aussi une grande partie de l’estomac et de l’oesophage ; et mes deux nerfs vagues ont été sectionnés.

Et votre cancer ?

C’est la seconde chose. Je n’y pense plus. Aux vues du dernier “pet scan”, c’est calme. Il n’y a pas de nouvelles tumeurs. Je ne souhaite plus de soins préventifs. Si j’ai une nouvelle tumeur, elle me fera signe très rapidement. À  ans, je ne risque pas grand-chose.

 ans, mais toujours pleins de projets…

Oui, j’écris tous les jours pour une comédie musicale prévue fin . C’est une histoire vraie. J’ai des journaux aussi ; ça me passionne.

Votre maladie vous a contraint a fréquenté un des rares secteurs d’activités où l’on ne vous avait jamais vu : la médecine. Que pensezvous des personnels hospitalie­rs ?

Ils font de très loin le plus extraordin­aire métier du monde. Dans tout le cours de notre vie, ils essaient de préserver l’existence. Ils nous accompagne­nt jusqu’au dernier moment. On leur doit ça.

Quel regard portez-vous sur celui qui vous a retiré l’estomac et l’oesophage ?

Quand l’interventi­on a été programmée par les oncologues, il était prévu qu’on me retire tout l’estomac et tout l’oesophage. Et le professeur Émile Sarfati m’a dit : « On ne m’imposera pas ce que je dois faire. Je vais ouvrir, regarder et faire. » À mon réveil, il m’a dit : « J’ai sauvé un quart de l’estomac. » C’est une belle histoire. Les conséquenc­es ne sont pas les mêmes. Je récupérera­i bien mieux d’ici à deux ou trois ans. Tant qu’on aura des gens de ce niveau-là, on est verni. Ce n’est pas dans le monde entier comme ça.

Vous êtes robuste !

Un dur oui. Ça vient de ma jeunesse. J’ai eu des parents avec un coeur exceptionn­el. Mais « maman-bobo », ça ne marchait pas. Le corps dispose de la douleur comme moyen de défense. Quand j’ai subi cette opération de l’estomac et de l’oesophage, j’étais en réanimatio­n. On m’a mis entre les mains une pompe à morphine à déclencher en fonction de la douleur. J’aurais dû appuyer toutes les heures. Je ne l’ai activée que deux fois. Le lendemain, j’ai insisté pour qu’on m’aide à m’installer sur un siège. On ne peut pas s’abandonner à son sort.

La chimiothér­apie n’estelle pas une épreuve d’endurance?

Quand on racontera dans un siècle comment on soignait les cancers aujourd’hui, les médecins diront: “Ce n’est pas croyable. On injectait du poison !”

Un «poison» qui aide tout de même les patients à s’en sortir!

J’ai eu la mauvaise sensation d’être empoisonné par la chimio. Il y a aucun doute làdessus. Mais j’ai continué. Le médecin m’a d’abord dit que je n’étais pas opérable. Il fallait commencer par six mois de chimio.

Vous avez lutté contre la mort. Elle vous fait peur ?

J’ai sur la vie et la mort l’appréciati­on de quelqu’un de croyant ; sans pouvoir dire exactement en quoi je crois. Je crois aux forces de l’esprit. Mais bon, imaginons que je me trompe ! Il n’y a franchemen­t rien de grave. Être en vie par rapport aux relations affectueus­es de vos parents, c’est une chance sur des milliards. Alors cette chance-là, profitons-en! J’ai neuf petits-enfants, un arrièrepet­it-enfant. Vivons au maximum en essayant de rendre le plus heureux possible autour de nous. Il ne faut pas être plus gourmand que gourmand. Depuis que je suis gamin, j’ai cette gourmandis­e de la vie.

Jusqu’où va cette gourmandis­e ?

Le plus loin possible à condition de respecter les autres.

 ??  ?? Bernard Tapie était hier devant les étudiants de la faculté de médecine de Nice. Il quitte Monaco ce matin pour rejoindre Marseille. (Photo Franck Fernandes)
Bernard Tapie était hier devant les étudiants de la faculté de médecine de Nice. Il quitte Monaco ce matin pour rejoindre Marseille. (Photo Franck Fernandes)

Newspapers in French

Newspapers from France