Nice-Matin (Cannes)

N. Hulot: «C’est un effort de guerre qu’il faut faire»

- THIERRY PRUDHON tprudhon@nicematin.fr

Alarmer sans éreinter. Maintenir le cap écologique dicté par une urgence planétaire vitale, tout en sortant du matraquage fiscal, « sans opposer le social à l’écologie». Tel est le message de Salomon qu’a tenté de faire passer hier soir Nicolas Hulot, sans cesse tiraillé entre un souci de modération et une colère à fleur de peau lorsqu’il évoquait «la fin du monde, qui n’est plus une hypothèse d’école ». Le 28 août dernier, lorsqu’il est entré dans le studio de France Inter, le ministre de la Transition écologique ne savait pas qu’il allait annoncer sa démission en direct. Cela lui avait traversé l’esprit la veille, mais il n’avait rien arrêté. «C’est sorti tout seul», a-t-il confié dans L’Emission politique de France 2.

« La tyrannie de la finance »

«Nous n’avons pas réussi à nous comprendre avec Emmanuel Macron et Edouard Philippe, malgré tout le respect que j’ai pour eux. On n’avait pas le même diagnostic. Une bronchite et un cancer généralisé, ce n’est pas pareil… Je n’arrivais plus à me mentir» ,a analysé Nicolas Hulot. «J’ai une telle conscience que le temps est compté, qu’il y a urgence», a-t-il posé, l’émotion au bord des yeux, assurant ne pas regretter son départ qui a provoqué un «sursaut». «Il ne faut pas reculer sur la trajectoir­e carbone, mais il a manqué à la transition énergétiqu­e un accompagne­ment social digne de ce nom» ,a reconnu l’éphémère ministre à l’évocation du mouvement des gilets jaunes, «révélateur d’un ras-le-bol fiscal ». «Il y a parfois des exagératio­ns, mais les gens savent que le kérosène des avions n’est pas taxé. Les exclus ont à juste titre une aspiration à l’équité. Or, notre fiscalité n’est pas équitable. Quand on voit la finance spéculativ­e, on peut comprendre la colère des Français.Il n’y a pas besoin d’être Jean-Luc Mélenchon pour s’offusquer de la tyrannie de la finance. » Il faut accentuer et mieux flécher les aides à la conversion, dont le chèque énergie, pour ne laisser personne de côté, mais sans infléchir la trajectoir­e carbone, a défendu en substance l’ex-ministre.

« Urgence absolue »

«La hausse du prix du carburant a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. J’ai bien conscience des difficulté­s de ceux qui ont du mal à boucler leurs fins de mois. Mais il y a une urgence absolue à réduire les énergies fossiles», a-t-il riposté, combatif, à un gilet jaune briochin qui lui reprochait d’avoir perdu le sens des réalités. « Ma volonté était de réconcilie­r l’écologie et le social et on n’y est pas parvenu », a admis Nicolas Hulot. Et de regretter : « Dans les discours, nous sommes alarmistes, mais dans les actes nous sommes trop fatalistes. C’est un effort de guerre qu’il faut faire.» L’écologiste en chef a toutefois validé le report de 2025 à 2035 de la réduction à 50 % de la part du nucléaire, le calendrier initial étant jugé «intenable». «La priorité est de réduire notre consommati­on d’énergie. » Il a ainsi proposé de sortir des critères budgétaire­s de Maastricht les dépenses destinées à économiser l’énergie.

Engagement citoyen

«Chaque jour qui passe est déterminan­t », a-t-il répété, indiquant qu’il continuera à s’investir pour la planète de « façon citoyenne ». Balayant, au passage, «les questions de journalist­es sans fondement sur une éventuelle candidatur­e en 2022 » .Ilnesera pas davantage candidat aux européenne­s, pour lesquelles il veut juste mettre des idées sur la table. Face à «la plus grande tragédie de l’humanité », Hulot a exhorté à «travailler ensemble, sans quoi nous mourrons tous idiots».

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