Nice-Matin (Cannes)

Vivre ensemble, ça s’apprend

LA MÈRE D’UNE VICTIME DE MERAH À GRASSE

- MAXIME ROVELLO mrovello@nicematin. fr

Elle est enfin venue. Après des mois de sollicitat­ions, Lamia Mammeri, la conseillèr­e principale d’éducation du collège Carnot, soutenue par Joël Rouvier (principal) et Arnaud Percheron (principal adjoint) a réussi son défi d’organiser une rencontre entre les élèves et Latifa Ibn Ziaten. « Un an après la mort de son fils en 2012, Latifa Ibn Ziaten a décidé de créer “Imad l’associatio­n pour la jeunesse et pour la paix” qui oeuvre auprès des jeunes à la recherche d’un but. Nous sommes ravis qu’elle ait pu trouver une place dans son emploi du temps pour venir rencontrer les collégiens de Carnot», explique Lamia Mammeri. Dans le réfectoire de l’établissem­ent, quelque 200 collégiens attendent patiemment l’arrivée de cette dame dont le fils était tombé sous les balles du terroriste Mohamed Merah en mars 2012. « Je m’appelle Latifa. Mon nom de famille c’est Ibn Ziaten. Mes origines ? Je suis Marocaine, de confession musulmane. Et je suis Française. Ça fait 43 ans que je suis en France et j’aimerais vous raconter mon parcours. » Inévitable­ment, l’épisode douloureux de la perte d’Imad finit par faire surface. « Mon fils était plus qu’une moitié de moi. On se comprenait sans parler, juste avec le regard. Nous avions un lien très fort mais il fallait que quelqu’un nous brise ça… » Et le discours glaçant évoquant le meurtre d’Imad provoque les premières larmes des jeunes collégiens mais aussi celle de Latifa. « Quarante jours plus tard, je suis allé dans ce gymnase où Imad a été assassiné. Il y avait encore des traces de sang. Je me suis mise à genoux et j’ai crié très fort. Je me suis dit “Imad, ta vie s’est arrêtée là, mais pas la mienne. Je vais aller jusqu’au bout”. J’ai créé cette associatio­n pour faire vivre la mémoire de mon fils mais je ne savais pas qu’il y avait autant de souffrance dans ce pays. Je ne veux pas un autre Merah, ni qu’une autre mère souffre comme moi. Depuis ce jour, j’ai décidé de travailler avec vous. Je vais dans les écoles, les foyers, les maisons d’arrêt... Je fais ce que je peux pour aider ces jeunes qui n’ont pas ce moteur en eux pour avancer. »

« Deux cultures, c’est une richesse »

Ce moteur, c’est celui de la volonté, nourri par le carburant d’un espoir que Latifa Ibn Ziaten dit voir de moins en moins chez les jeunes d’aujourd’hui. «Votre moteur, personne ne le démarrera à votre place. » « La tolérance aujourd’hui, reprendell­e, c’est surtout de respecter la différence des autres. C’est tout simple. La laïcité, elle est pour tout le monde. Quand on va à l’école, on n’a pas le droit d’apporter des signes religieux car elle est laïque et républicai­ne, alors on respecte. Mais dehors on est libre. Quand je vois des jeunes filles voilées alors qu’elles n’ont même pas l’âge et qu’elles ne savent même pas pourquoi elles le sont… Des femmes se sont battues pour la liberté et aujourd’hui, on retourne en arrière. Pourquoi montre-t-on ce visage de l’Islam alors que ce n’est pas ça du tout ?! Quand nous avons deux cultures, c’est une richesse. Quand on n’est pas fier de soi, on est perdu. » Les élèves ont pu ensuite poser des questions à Latifa Ibn Ziaten. « C’est une grande dame, souligne Rayan, 15 ans. Elle a eu un très beau discours et a donné des conseils dont je me souviendra­i. » « Son histoire, son parcours, son fils mort pour la France… Je n’ai pas pu retenir mes larmes face à ce qu’elle a raconté. Ma mère est née au Maroc, comme Latifa, et elle me donne beaucoup de conseils. ElleS se ressembleN­T toutes les deux», confie Myriam, 14 ans. Pour Rania, 14 ans, difficile de trouver les mots tant elle n’a pu « retenir [ses] larmes. » « C’est une dame très touchante qui n’a pas eu une vie facile. On se rend compte qu’on a beaucoup de chance. » Latifa Ibn Ziaten a conclu en disant qu’elle reviendrai­t dans quelques mois au collège Carnot, peut-être pour nourrir un nouveau projet autour du vivre ensemble ?

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