Nice-Matin (Cannes)

Tandis que nous rentrons, eux sortent le camion...

- CHRYSTÈLE BURLOT

D’abord préparer le camion, ensuite passer dans les boulangeri­es. Enfin venir en aide jusqu’au bout de la nuit… Nice-Matin a participé au lancement de la tournée de jeudi. Cette nuit-là, le SAMU est venu en aide à  personnes dans la rue.

C’est un soir de semaine. Un soir après le boulot. Un soir de novembre où l’on rentre au chaud avec les siens. Pas les bénévoles du Samu social. Eux troquent leurs vêtements de travail contre les polaires et blousons du Samu. L’équipe se retrouve à 18 heures pour préparer le camion. Il faut procéder au réassort et faire chauffer l’eau qui servira aux boissons chaudes. Les fameuses, tellement critiquées par un bénéficiai­re agressif il y a dix jours. Ce soir-là Suzanne et Franco sont de service. Un grand costaud qui fait penser à Marius dans Marius et Jeannette. Un petit bout de femme dynamique et souriant. Ça rigole. Ces deux-là tournent ensemble depuis 4 ans et s’entendent bien. «Quoiqu‘il arrive, je

veille sur mon binôme… » promet Franco une main sur le coeur. Encore très en colère le Franco, de ce qui s’est produit l’autre soir. « J’étais à 1 000 kilomètres en Lorraine, je n’ai rien pu faire. Si j’avais été à proximité. J’aurais pu venir et parler avec eux… » Franco roule en direction de la boulangeri­e Paul rue Meynadier. Première halte pour charger les vivres. Une vingtaine de sandwiches, des pâtisserie­s, des viennoiser­ies et du pain. Dehors déjà, Georges, qui a fait la manche là toute la journée, attend : pas de quiches comme il l’aurait espéré. « Mais ce n’est pas grave, dit-il avec un sourire, ça ira quand même… » Un peu plus loin, trois autres hommes hèlent le camion et se font servir eux aussi. Puis il faut filer vers Mandelieu, au risque de louper les fermetures des deux boulangeri­es qui donnent elles aussi leurs invendus. Aux Anges des Tourrades, Jessica et Laeticia attendent tout sourire avec leur pain, pizza, etc. Beaucoup d’invendus aussi chez Paul àLaCanardi­ère, où des bénéficiai­res attendent sur le parking. Francis, qui a laissé son épouse, souffrante, quelques minutes pour venir chercher de quoi les sustenter. Et deux autres hommes qui acceptent volontiers quelques denrées et boissons chaudes. Entre-temps le 115 a appelé : une dame attend en face des pompiers. Un garçon dans un hangar à La Bocca. L’arrivée dans cette dernière « cachette » permet à l’équipe de rencontrer Kevin, un tout jeune homme effrayé (photo en bas à droite) par les phares du camion. Il accepte un chocolat chaud, un sandwich, des pâtisserie­s qu’il prend précaution­neusement. Il parle à peine, effrayé. Maintenant qu’elle sait qu’il est là, l’équipe repassera et lui lance un « A demain ! » en partant.

Chauffeur le jour, bénévole la nuit

Prochaine halte, la mairie annexe de la Ferrage. Là il y a Dominique et son chien Pikatchu, puis Richard et Daniel. Et d’autres de l’Europe de l’Est qui s’approchent lorsque le camion ouvre ses portes. L’échange se fait gentiment. Pas d’agressivit­é. S’il y en avait Franco, sa carcasse et sa grosse voix y mettraient fin rapidement. « Et puis il y a beaucoup de sans-abri qui nous soutiennen­t qui ne comprennen­t pas ce qu’il s’est produit… » Enfin, jusqu’à nouvel ordre, le camion ne passe plus derrière la gare, là où justement l’agressivit­é était fréquente. « Les gens sans histoire qui venaient là avant, nous rejoindron­t au rond-point des Gabres, ça ne change pas grandchose ». Une belle voiture s’arrête à la hauteur du camion. Un homme élégant, chemise, cravate et oreillette s’avance et salue Pascal et Daniel, il leur demande des nouvelles. Franco l’apostrophe : « Eh Ahmid, comment vas -tu ? » Ahmid (photo au centre) est l’un des bénévoles du vendredi. Il était là le soir de l’agression. « Je me lève très tôt le matin pour mon travail – je fais du transport de personnes – et le soir des maraudes, je me couche très tard. Ce n‘est pas un problème, j’ai besoin d’aider. Mais quand on donne de son temps, qu’on ne voit pas sa femme et ses enfants et qu’au final on se fait agresser, ça fait rager… » dit-il avec un sourire un peu triste. Cela ne l’empêche pas de s’enquérir des modalités de sa prochaine tournée. Pour lui pas question d’abandonner…

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(Photos Patrice Lapoirie)
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