L’impossible équation fiscale
Parlons chiffres. En , pour la première fois, les prélèvements obligatoires ont franchi la barre des milliards d’euros. Les dépenses publiques, elles, ont tangenté les milliards. Mille milliards (précisément ), c’est , % du PIB. Vice-record du monde (derrière le Danemark). Un chiffre en hausse constante. Trois cent soixante-neuf milliards de plus en quinze ans ! Soit milliards entre et (Chirac) ; entre et (Sarkozy) ; milliards entre et (Hollande). Il ne faut pas chercher ailleurs l’origine du ras-le-bol fiscal qui a mis les « gilets jaunes » sur les routes, sous le regard compréhensif ou approbateur de trois Français sur quatre. Et que feignent, aujourd’hui, de découvrir ceux – droite et gauche confondues – qui y ont allègrement contribué. Le prix du gazole a été la goutte d’eau. Le vase était déjà plein. milliards – la dépense publique, donc –, c’est , % du PIB. Record du monde ! Huit points de plus que la moyenne de la zone euro. Au début des années , on était à %. Là encore, tous les gouvernements ont plus ou « Comment baisser
moins poussé à la les impôts alors qu’ils roue. Pourtant tous les secteurs s’estiment ne suffisent déjà pas à maltraités. Tour couvrir les dépenses ? » à tour, l’hôpital, la prison, la justice, l’école, l’université, on en passe, réclament des « moyens » et dénoncent la politique d’« austérité ». Les traitements des fonctionnaires stagnent. Les retraites fondent. Aujourd’hui, c’est le désarroi de la France périphérique qui nous saute au visage. De sorte que la France est cet étrange pays, le seul, qui cumule un haut taux d’imposition et des dépenses largement sous-financées (le déficit dépasse % du PIB, soit plus de milliards), avec en prime un niveau explosif de frustration et d’insatisfaction. A ce stade, on est tenté de demander, avec l’improbable Jacline Mouraud, ce que l’Etat « fait du pognon ». Manifestement, beaucoup de Français se posent la question. A %, ils jugent « excessif » le poids de la fiscalité ; à %, ils estiment que l’argent des impôts est « mal utilisé » (). La crise des « gilets jaunes » l’a révélé ; l’enquête le confirme : le consentement à l’impôt s’effrite. Notamment chez les jeunes et dans les milieux populaires. A Macron, au gouvernement, à notre société de se débrouiller avec cette impossible équation : comment baisser les impôts alors qu’ils ne suffisent déjà pas à couvrir les dépenses ? Sans doute on peut dépenser mieux, lutter contre les gaspillages, élever le niveau d’efficacité du secteur public, réduire le train de vie de l’Etat et des collectivités locales. Combattre plus activement la fraude. Sans doute, on pourrait imaginer un système fiscal plus « juste » (encore que cette notion soit relative : chacun a tendance à trouver juste l’impôt… des autres, cela aussi ressort clairement du sondage). Mais ne rêvons pas. Dans le monde réel, qui n’est pas celui des illusionnistes, on ne peut pas avoir plus de services publics et moins d’impôts, plus de prestations sociales et moins de cotisations. Sauf à creuser indéfiniment les déficits – c’est-à-dire léguer à nos enfants une dette insupportable –, la seule façon de diminuer la pression fiscale serait de réduire significativement les dépenses publiques. Ce qu’aucun gouvernement jusqu’ici n’a osé faire. Et qui pourrait bien soulever une colère populaire dont celle des « gilets jaunes » ne donne qu’un timide avant-goût. . Enquête Ipsos/Le Monde.