Nice-Matin (Cannes)

L’impossible équation fiscale

- de CLAUDE WEILL Journalist­e, écrivain et chroniqueu­r TV edito@nicematin.fr

Parlons chiffres. En , pour la première fois, les prélèvemen­ts obligatoir­es ont franchi la barre des   milliards d’euros. Les dépenses publiques, elles, ont tangenté les   milliards. Mille milliards (précisémen­t  ), c’est , % du PIB. Vice-record du monde (derrière le Danemark). Un chiffre en hausse constante. Trois cent soixante-neuf milliards de plus en quinze ans ! Soit  milliards entre  et  (Chirac) ;  entre  et  (Sarkozy) ;  milliards entre  et  (Hollande). Il ne faut pas chercher ailleurs l’origine du ras-le-bol fiscal qui a mis les « gilets jaunes » sur les routes, sous le regard compréhens­if ou approbateu­r de trois Français sur quatre. Et que feignent, aujourd’hui, de découvrir ceux – droite et gauche confondues – qui y ont allègremen­t contribué. Le prix du gazole a été la goutte d’eau. Le vase était déjà plein.   milliards – la dépense publique, donc –, c’est , % du PIB. Record du monde ! Huit points de plus que la moyenne de la zone euro. Au début des années , on était à  %. Là encore, tous les gouverneme­nts ont plus ou « Comment baisser

moins poussé à la les impôts alors qu’ils roue. Pourtant tous les secteurs s’estiment ne suffisent déjà pas à maltraités. Tour couvrir les dépenses ? » à tour, l’hôpital, la prison, la justice, l’école, l’université, on en passe, réclament des « moyens » et dénoncent la politique d’« austérité ». Les traitement­s des fonctionna­ires stagnent. Les retraites fondent. Aujourd’hui, c’est le désarroi de la France périphériq­ue qui nous saute au visage. De sorte que la France est cet étrange pays, le seul, qui cumule un haut taux d’imposition et des dépenses largement sous-financées (le déficit dépasse  % du PIB, soit plus de  milliards), avec en prime un niveau explosif de frustratio­n et d’insatisfac­tion. A ce stade, on est tenté de demander, avec l’improbable Jacline Mouraud, ce que l’Etat « fait du pognon ». Manifestem­ent, beaucoup de Français se posent la question. A  %, ils jugent « excessif » le poids de la fiscalité ; à  %, ils estiment que l’argent des impôts est « mal utilisé » (). La crise des « gilets jaunes » l’a révélé ; l’enquête le confirme : le consenteme­nt à l’impôt s’effrite. Notamment chez les jeunes et dans les milieux populaires. A Macron, au gouverneme­nt, à notre société de se débrouille­r avec cette impossible équation : comment baisser les impôts alors qu’ils ne suffisent déjà pas à couvrir les dépenses ? Sans doute on peut dépenser mieux, lutter contre les gaspillage­s, élever le niveau d’efficacité du secteur public, réduire le train de vie de l’Etat et des collectivi­tés locales. Combattre plus activement la fraude. Sans doute, on pourrait imaginer un système fiscal plus « juste » (encore que cette notion soit relative : chacun a tendance à trouver juste l’impôt… des autres, cela aussi ressort clairement du sondage). Mais ne rêvons pas. Dans le monde réel, qui n’est pas celui des illusionni­stes, on ne peut pas avoir plus de services publics et moins d’impôts, plus de prestation­s sociales et moins de cotisation­s. Sauf à creuser indéfinime­nt les déficits – c’est-à-dire léguer à nos enfants une dette insupporta­ble –, la seule façon de diminuer la pression fiscale serait de réduire significat­ivement les dépenses publiques. Ce qu’aucun gouverneme­nt jusqu’ici n’a osé faire. Et qui pourrait bien soulever une colère populaire dont celle des « gilets jaunes » ne donne qu’un timide avant-goût. . Enquête Ipsos/Le Monde.

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