Nice-Matin (Cannes)

« Un mouvement très soutenu par l’opinion »

Jérôme Sainte-Marie, sondeur et politologu­e

- RECUEILLI PAR CHRISTOPHE PERRIN

Jérôme Sainte-Marie (ancien élève du lycée Masséna de Nice), était au plus près des manifestan­ts, hier, à Paris. Il a nous a livré à chaud son analyse de la situation.

Les dégradatio­ns lors de la manifestat­ion à Paris vontelles servir le pouvoir ?

En trente ans de manifestat­ions parisienne­s, je n’avais vu un tel désordre, des scènes de violences aussi proches des lieux du pouvoir. Les Champs-Élysées coupés, des incendies… Mais finalement pas de pillage et peu de dégradatio­ns de boutiques. Le gouverneme­nt, qui pouvait imaginer l’emporter sans rien céder, est en mauvaise posture. Pas sûr que ces images spectacula­ires ait un impact négatif sur l’opinion publique. Une partie de la France peut être encore plus exaspérée par l’incapacité du pouvoir à maintenir l’ordre.

La compositio­n sociologiq­ue reste-t-elle la même ?

Oui. Ce sont des travailleu­rs pauvres, pas des exclus. Ils ont une activité profession­nelle mais vivent dans l’insécurité financière malgré leurs revenus. Le noyau dur est une France populaire (plutôt proche du RN et de la France Insoumise) avec des représenta­nts de la classe moyenne.

L’opinion restera-t-elle favorable aux « gilets jaunes » après cette journée ?

En , le mouvement avait basculé grâce à un débouché politique, en l’occurrence la dissolutio­n. Là, il n’y a aucune propositio­n. Le discours sur la transition écologiste est en décalage, pas pertinent. A contrario, ce mouvement de contestati­on est très large, transversa­l, très bien réparti sur le territoire avec des mots d’ordre généraux. Il est très largement soutenu. Malgré les deux morts et les blessés, selon Odoxa,  % des Français le soutiennen­t. Même si une minorité forte en approuve les modalités, le soutien de principe est là. Les seuls hostiles aux « gilets jaunes » sont les électeurs LREM. La France qui a voté oui à l’Europe et à Macron.

On entend beaucoup de «Macron démission», un Président élu par les urnes.

Ça rappelle que le Président est tombé à  % d’opinion favorable. Ce n’est pas qu’une donnée abstraite d’un institut de sondage.

Le mouvement semble parvenir à se tenir à distance des syndicats et des partis.

Ce mouvement est remarquabl­ement peu encadré. Les partis sont très partagés et ne veulent pas apparaître comme récupérate­urs. Ce mouvement marque surtout la rupture définitive entre la gauche et la classe populaire. Un mouvement social de cette ampleur est toujours un accélérate­ur du temps.

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