Nice : chaises bleues et «gilets jaunes»
Le point d’orgue de la manifestation niçoise a été le rassemblement sur la promenade des Anglais jusqu’au carrefour Gambetta. Alors que dans le soleil irisé, les touristes vaquaient indifférents
Rançon de l’absence de leaders et d’organisation, il a fallu attendre 16 heures pour que les différents groupes de « gilets jaunes » convergent sur la promenade des Anglais. Un drapeau tricolore et un drapeau breton flottent en tête du cortège. Des ambulanciers et leur sirène deux-tons viennent ajouter de l’ambiance.
« On se fait dépouiller »
Fidèles à l’esprit de cette manifestation inédite, les Azuréens en chasuble fluo sont «pacifistes »,« apolitiques », et les slogans sont sans surprises : « Ras-le-bol de Macron, Macron fout le camp, trop de taxes, trop d’impôts. » Daniel, 29 ans, casque de moto à la main, est artisan depuis quatre ans. « Au départ, c’était la hausse des taxes de l’essence et puis c’est un tout qui m’a poussé à rallier le mouvement. » Sans illusion sur l’impact du mouvement, il espère au moins une prise de conscience du gouvernement. Pauline, 33 ans, aide-soignante, qui marche à ses côtés apporte son témoignage d’une société mal en point : « Je suis de sensibilité de gauche au départ mais je suis vraiment déçue. La situation empire. On n’a plus le temps de s’occuper des patients. » Ces salariés jusqu’ici invisibles, loin des partis et de syndicats, ont trouvé depuis une semaine avec les « gilets jaunes », une occasion de se faire entendre. « Payer des impôts, c’est normal, mais là, on se fait dépouiller. » Paul, 28 ans, est remonté : « Macron est dans sa tour d’ivoire, il ne nous écoute pas. » Le cortège passe sous les balcons du Negresco où les touristes immortalisent la manifestation. Face à la mer, les promeneurs profitent, indifférents, du coucher de soleil sur la Méditerranée azurée. « Pour les “gilets jaunes” hip hiphip! » lance un cycliste. « Hourra », hurlent les manifestants. Virginie, 37 ans, mère célibataire, 1 300 euros par mois comme fonctionnaire, paraît désabusée : « Défiler, se rassembler, j’ai l’impression que cela ne sert à rien. Je préférerais aller lever les barrières des péages d’autoroute. » Virginie prône une révolution : « En ayant un boulot, je suis obligé de faire un deuxième job au black pour m’en sortir. Est-ce normal ? » Comme en écho, une manifestante affiche sur un carton: « Gouvernement = Profit, Peuple = Souffrance. »