Mémoire de Grassois Jean d’Angelo, nostalgique de la rue de La Fontette
Retrouvez cette rubrique qui donne la parole à un habitant de la cité des parfums ou du pays grassois. Aujourd’hui, Jean d’Angelo se souvient des années dans la rue de La Fontette.
Entre l’Unité italienne de 1861et le milieu du siècle dernier, de nombreux transalpins, surtout des Piémontais, se fixent dans le Midi de la France. Si certains d’entre eux sont des saisonniers, la plupart reste toute l’année à Grasse où ils exercent des métiers divers. Ces Piémontais se regroupent en différents quartiers de la ville des Parfums. La rue de la Fontette et le Rouachier deviennent rapidement leurs lieux de prédilection. Une ambiance chaleureuse et conviviale règne alors au sein de ce secteur. Des Quatre-Coins jusqu’à la rue Droite, se succèdent de petits commerces, des cafés et autres restaurants tenus par ces Italiens. Jean d’Angelo connaît bien ce quartier où ses parents, Yolande et Nicolas, ont tenu le bar des Amis, dans l’immédiat aprèsguerre. L’établissement, sis au n° 4 de la rue de la Fontette, est alors ouvert sept jours sur sept et propose un menu midi et soir. Et Jean de raconter, sur un ton emprunt d’une certaine nostalgie : « J’étais l’aîné d’une fratrie de trois enfants et, comme mes parents passaient tout leur temps au bar, je m’occupais de ma soeur et de mon frère. Nous habitions dans la rue de la Vieille Boucherie et sommes allés d’abord à la crèche tenue par les soeurs, sur la placette Sainte-Marthe. »
Les raviolis du dimanche
Yolande, qui est le maître queux du restaurant, laisse son mari servir les clients. Jean, à peine rentré de l’école, dispose couverts, serviettes, corbeille de pains et autres pichets de vin et d’eau sur chaque table. « Les ouvriers venaient tous les midis savourer des plats copieux qui les requinquaient et leur donnaient des forces pour le reste de la journée. Le dimanche, une autre clientèle fréquentait le restaurant et ma mère préparait pour l’occasion une multitude de raviolis. » L’oncle Hector, qui tient une boulangerie dans la rue de l’Oratoire, incite son neveu à apprendre ce métier. Le garçonnet, qui va suivre son conseil, tiendra par la suite, avec son épouse Mireille, la boulangerie des Marronniers. Le jeudi, Jean joue avec ses copains dans les ruelles de la vieille ville et sur la place du Rouachier. « J’ai assisté à la démolition d’une partie des taudis qui s’y trouvaient et à la construction du réservoir de la Foux. »
Ablutions dans la fontaine!
Et de se souvenir aussi de la place Martelly qui accueille en ce temps-là, le marché aux bestiaux. Les éleveurs venus du haut pays installent leur bétail et attachent vaches et boeufs aux anneaux insérés dans le mur de la descente du Riou-Blanquet. Le père de Jean pratique la boxe et s’entraîne régulièrement dans la salle de sport sous le cours Honoré-Cresp. « Il n’y a jamais eu de heurt dans le restaurant, car les clients savaient que papa était champion de boxe amateur. » Le père et le fils passent toute une nuit à écouter la radio qui retransmet un match de Marcel Cerdan ! La fontaine de la rue est utilisée alors par un curieux personnage qui, été comme hiver, torse nu, utilise la vasque en pierre pour ses ablutions. Et tous les gamins de le regarder, impressionnés par sa puissante musculature. Les anecdotes et les petites histoires racontées par Jean offrent une vision précise de la rue de la Fontette de l’époque : linge séchant aux fenêtres, étals colorés et odorants des commerçants, bien alignés sur les trottoirs et ambiance chaleureuse aux terrasses des petits cafés. Il existait même un hôtel, sis dans la rue de la VieilleCharité ! Aujourd’hui, Jean et Mireille vivent à Peymeinade, où ils demeurent très actifs et proches de leurs deux petits enfants, Kylian et Claudia, qu’ils accompagnent au foot et au cours de gymnastique. Des sportifs en herbe, dans la lignée de leur aïeul Nicolas, dont Jean leur a souvent parlé !