Nice-Matin (Cannes)

Le super-job les conduit à la super-galère

Apaté il y a un an par un CDI et un salaire de 3 000 euros net par mois, avec un logement et un véhicule de fonction, Maxime Galea n’a jamais signé de contrat et vit un calvaire depuis

- JÉRÉMY TOMATIS jtomatis@nicematin.fr

Désabusés. Effrayés. Voire carrément paranos désormais. Maxime Galea et sa compagne, Mélanie Grand, ne savent plus vers qui se tourner. Depuis un an et la reconversi­on profession­nelle de Maxime que tous les deux ont au départ pris comme la chance d’une vie, ils vivent un enfer. Tout commence en octobre 2017. Agent commercial à la tête de sa propre microentre­prise, Maxime Galea se voit offrir un poste de gardien sur un site de Sophia Antipolis par la SCI Espace Bordeaux Aquitaine, filiale du groupe Orexim. La propositio­n qui comprend logement et véhicule de fonction ainsi qu’un salaire net de 3 000 euros par mois est alléchante.

« Ils nous ont tellement vendus du rêve… »

L’ultimatum posé par l’employeur est imminent : il faut accepter et emménager dans la loge de gardiennag­e début novembre, sinon quelqu’un d’autre profitera de cette opportunit­é unique. Le couple rêve d’une situation financière plus avantageus­e afin, notamment, de fonder une famille. Et franchit donc le pas avant même les éventuelle­s signatures du bail et du contrat de travail. « Ils nous ont tellement vendus du rêve… Et l’oncle de Mélanie, qui travaille comme prestatair­e avec la société, nous a dit de foncer car lui aussi était convaincu que ça en valait vraiment la peine. » Ils emménagent alors dans un logement en piteux état mais supposé n’être que provisoire. Cela fait partie du deal, dès le départ. Bientôt, dans six mois, la réhabilita­tion d’anciens bureaux en logements – c’est le coeur de métier de cette SCI – va leur permettre d’habiter dans une nouvelle loge de gardiennag­e dessinée par un architecte. « Au moment de prendre cette décision radicale, nous étions borderline financière­ment. Tout de suite, ils m’ont donné une voiture de fonction et nous ont montré les plans de notre futur logement. Donc je me suis dit que le contrat et tout ce qui était promis avec allaient venir rapidement. » Pendant un mois, le couple ne se doute de rien. Maxime a pour seule mission la surveillan­ce du site d’environ 60 000 m². Ils croient dur comme fer à la promesse qu’on leur a faite. Jusqu’au jour où ils demandent un justificat­if de domicile, presque par hasard.

De   euros déclarés à  euros en espèces

« On ne l’a jamais reçu. L’interlocut­eur que nous avions depuis le début a commencé à ne plus répondre à nos mails, à nos messages, à nos appels. Quand on l’a revu un mois plus tard, les conditions avaient radicaleme­nt changé. Ce même Monsieur m’a alors dit que la société ne comptait pas me déclarer pour des raisons d’optimisati­on fiscale et que c’était à moi de faire mes preuves. Et donc que tant que je ne les aurais pas faites, on ne me paierait que 750 euros par mois et en espèce. Je me suis alors rendu compte que je m’étais fait avoir. J’étais coincé. Sans contrat de travail, je ne pouvais même pas partir et trouver un autre appartemen­t ailleurs. » Les ennuis et les menaces commencent. Et ce n’est que le début. Les pressions sont subies au quotidien. Lorsqu’il prévient la haute direction, on lui rétorque que l’on est au courant. Et qu’en attendant son contrat, il doit créer une entreprise de gardiennag­e. Plus tard, il se fait agresser par des squatteur qu’il surprend sur le site. On lui interdit alors de porter plainte car il n’est pas assuré. Tout ce temps, Maxime reçoit de plus en plus d’ordres pour nettoyer le site, faire les vitres, exécuter des rondes de nuit… À bout, il contacte l’inspection du travail en mai dernier. La pression s’intensifie alors. On lui intime désormais l’ordre de quitter les lieux. Pour ce faire, on vient l’intimider devant chez lui et on casse ses fenêtres. Le logement de départ devient insalubre car l’humidité s’infiltre de partout. Pis, et c’est la goutte d’eau, le couple découvre un matin de juillet le corps inanimé de son chaton, le crâne défoncé, devant sa porte. Maxime et Mélanie sont au bord du gouffre psychologi­que et vivent la peur au ventre.

Une première victoire avant d’autres échéances

Attaqué en justice par la société, qui tente de les faire expulser du logement, le couple remporte une première victoire devant le tribunal qui déboute la SCI, fin septembre. Avant cela, l’inspection du travail notifie à l’entreprise, après enquête, que des éléments « attestent d’une activité salariée à votre profit » concernant Maxime Galea. Et qu’il s’agit donc d’ «un travail dissimulé par dissimulat­ion d’emploi salarié ». Résignés à aller jusqu’au bout, Maxime et Mélanie contre-attaquent aujourd’hui avec, chacun, une plainte aux prud’hommes pour travail dissimulé et harcèlemen­t moral. Sollicités par téléphone à plusieurs reprises, des responsabl­es de la SCI Espace Bordeaux Aquitaine ont d’abord souhaité ne pas s’exprimer avant de nous donner une adresse mail, afin de joindre notre demande par écrit. Nous n’avons jamais eu de réponse. Il est impossible de les joindre par téléphone depuis.

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(Photo Sébastien Botella) Maxime et Mélanie, dans leur logement de fonction qui prend l’eau...

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