Nice-Matin (Cannes)

Macron se lance dans la «co-constructi­on»

- THIERRY PRUDHON

Maintenir le cap écologique tout en lâchant du lest, cela ne laissait qu’une marge de manoeuvre infime au chef de l’Etat. Emmanuel Macron a pris le parti de tenter de déminer le terrain en renvoyant la patate chaude dans le camp des corps intermédia­ires et, par extension, des contestata­ires eux-mêmes. «Trois mois de co-constructi­on de solutions au plus près du terrain », telle est la principale annonce qu’il aura livrée hier, à l’issue de l’installati­on du Haut-Conseil pour le climat. «La transition écologique ne se fera pas de la même manière à la campagne et dans les métropoles. Dans les trois mois qui viennent, nous devons structurer une méthode de constructi­on pour apporter des solutions concrètes et différenci­ées, à travers une stratégie d’accompagne­ment dans les territoire­s. Chacun doit pouvoir y participer et apporter des solutions.»

« Fin du monde et fin du mois »

Pas d’inflexion du cap vert, jugé « juste et nécessaire », seulement un changement de « méthode de travail », voilà ce qu’a défendu le Président, en fixant « un agenda de solutions pour traiter les deux, la fin du monde et la fin du mois. Les solutions viendront de la base, des acteurs économique­s et associatif­s, des citoyens ». Jouer la montre avait peu de chances de retourner les « gilets jaunes ». Cela s’est confirmé hier après-midi. S’il a mis de l’eau dans son ton, Macron a fait du Macron. L’éternel « en même temps », là où d’aucuns rêvaient d’une capitulati­on sur la hausse des taxes prévue en janvier. Ils n’ont obtenu que partiellem­ent gain de cause.

«Adaptation des taxes à l’évolution des prix»

« On ne peut pas être le lundi pour l’environnem­ent et le mardi contre l’augmentati­on du carburant. » Sur ce point de crispation, le chef de l’Etat a simplement concédé « une adaptation des taxes à l’évolution des prix du pétrole ». «En cas de nouveau pic des prix, le gouverneme­nt pourra suspendre ou réduire la hausse de fiscalité intervenue en début d’année, pour ne pas aggraver la hausse du prix à la pompe. En applicatio­n de ce mécanisme, la hausse de la fiscalité aurait été suspendue entre juillet et octobre 2018» ,a ensuite détaillé Matignon.

Feuille de route

La boussole est donc conservée, «pour ne pas laisser le présent prévaloir sur le futur… Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire pour ceux qui souffrent. Nous devons entendre les alarmes sociales, mais sans renoncer à nos responsabi­lités pour demain. Car les inégalités sociales se doublent souvent d’inégalités environnem­entales. » Plus que des réponses aux «gilets jaunes», Emmanuel Macron a déroulé une feuille de route déjà largement connue : production d’énergie totalement décarbonée en 2050, fermeture de l’ensemble des centrales à charbon d’ici à 2022, réduction à 50 % de la part du nucléaire dans le mix électrique en 2035, essor des énergies renouvelab­les, renforceme­nt de la prime à la conversion des véhicules anciens en faveur des ménages modestes, avec pour objectif de remplacer un million de voitures durant le quinquenna­t… «L’Etat consacrera sept milliards par an au développem­ent des énergies renouvelab­les, contre cinq aujourd’hui. Quatorze réacteurs seront arrêtés d’ici à 2035, en fonction de l’évolution de notre mix énergétiqu­e, dans une approche pragmatiqu­e et adaptative.»

«Ecologie populaire»

A défaut de concession­s ciblées, le Président a cherché à se montrer compatissa­nt. «La transition écologique ne doit pas se faire à n’importe quel prix. Je refuse qu’elle accentue les inégalités. Cette crainte, je la comprends. Il faut faire en sorte que l’écologie à la française puisse être une écologie populaire. » Pas dupe du caractère peu tangible de ses annonces, il a enchaîné : « Un discours ne peut à lui seul apporter une réponse. Il faudra un changement profond de notre organisati­on collective, un nouveau contrat social du XXIe siècle, pour faire mieux avec moins. La réponse d’aujourd’hui n’est pas la dernière. Il n’y a pas de solutions miracles, mais des solutions honnêtes et ambitieuse­s. » Problème : les « gilets jaunes » ne sont qu’impatience…

 ??  ?? « Les solutions viendront de la base, des acteurs économique­s et associatif­s, des citoyens. » (Photo EPA)
« Les solutions viendront de la base, des acteurs économique­s et associatif­s, des citoyens. » (Photo EPA)

Newspapers in French

Newspapers from France