Nice-Matin (Cannes)

Mickaël: «Il est en train de me monter la bouffaïsse!»

Macron ne l’a pas convaincu. Mickaël Moretti, très investi dans le mouvement à Menton, l’a écouté depuis son banc de primeurs à Nice. Accompagné de quelques amis, eux aussi très déçus

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Depuis le début de la matinée, les habitués qui s’arrêtent sur le banc de fruits et légumes de Mickaël Moretti, à Nice Cimiez, cherchent par tous les moyens à lui montrer leur soutien. Il y a Priscillia, la coiffeuse d’à-côté. Elle cumule deux emplois. Tout comme son compagnon, employé d’usine le matin et auto-entreprene­ur en soirée «car c’est le seul moyen d’y arriver ». Il y a aussi un ancien menuisier, Yves, 79 ans, dont la misérable retraite s’accommode mal d’une autorisati­on de découvert de 100 euros. « Je touche 852 euros par mois. C’est un peu de ma faute, je n’ai pas toujours été déclaré. Mais si je n’étais pas hébergé par une amie, je ne pourrais pas m’en sortir.» Mickaël, qui a du coeur, le fait discrèteme­nt profiter des produits «un peu marqués» que ses clients pourraient hésiter à acheter. Il y a enfin Nadia, retraitée de l’Éducation nationale, taraudée par une « inquiétude rampante » tandis que son mari se sent carrément pris dans «un goulot d’étrangleme­nt». Elle, qui a voté Macron «par défaut », se demande chaque jour « ce qu’il va bien pouvoir trouver» pour saper son quotidien : « On tend le dos. » Entre deux chalands, Mickaël se faufile jusqu’au petit bureau où, sur l’écran d’un téléviseur d’appoint, le président n’en finit plus d’énoncer de bonnes intentions jugées beaucoup trop vagues pour convaincre. Ces « vies empêchées » que décrit Emmanuel Macron, c’est un peu la sienne. Beaucoup de travail pour un résultat désolant : «En ce moment, je ne peux même pas me dégager un salaire. »

« S’il faut monter à Paris, je le ferai»

«Gilet jaune» très actif depuis le 17 novembre, ce jeune Mentonnais attachant et sensé est d’un tempéramen­t modéré. Mais l’allocution présidenti­elle le fait sortir de ses gonds : « Il est en train de me monter la bouffaïsse (ndlr, monter la colère en niçois). Je crois que je vais péter la télé en deux ! » Dehors : son cousin Wilfried, conseiller municipal « apolitique» à Peillon. Tonio, un copain. Et Christophe, « collègue » «gilet jaune» rencontré sur un rond-point. Trois «gilets jaunes» concentrés sur un smartphone où s’écoule le discours fleuve du moment. Sans cautionner les casseurs, qu’ils réprouvent, ni les tentatives de récupérati­on qui les indiffèren­t, tous mettent en garde sur le degré d’exaspérati­on d’une classe moyenne qu’ils disent pressurée. « Le gasoil n’a jamais été aussi cher », insiste Christophe qui, vivant dans l’arrière-pays, se ruine en carburant : « 240 euros par mois avec ma femme. » Tonio s’agace d’entendre Macron rejeter la responsabi­lité de la situation à ceux qui l’ont précédé. Wilfried est le plus virulent : « Je n’ai pas honte de le dire, c’est un petit dictateur. » Pour lui, le Président n’a rien compris. « Trois mois, c’est trop long. Il doit faire un geste avant Noël. Pour faire plaisir aux Français. » Ce chef à domicile veut «un contact direct» ou rien. « S’il faut monter à Paris, je le ferai. Quitte à l’inviter à déjeuner. Je suis même prêt à rester avec lui une semaine», dit Wilfried, le plus sérieuseme­nt du monde. La transition écologique ou la prime à la conversion renforcée, il ne veut plus en entendre parler. «En une heure, il n’a rien dit. Je vais lui expliquer la vie. »

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(Photo Frantz Bouton) Pour Mickaël, Priscillia, Tonio et Christophe, une même conclusion : « Trois mois, c’est trop long. »

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