Nice-Matin (Cannes)

Nice-Bastia: la compagnie Moby Lines jette l’éponge

La compagnie italienne se retire. La Corse au départ de Nice, c’est fini : Moby Lines annonce l’arrêt de ses liaisons à compter du 6 janvier prochain. Il ne restera donc que Corsica Ferries…

- FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Le tarif des traversées entre Nice et la Corse va-t-il flamber ? C’est à craindre, après l’annonce par Moby Lines de son retrait. La compagnie italienne promettait des passages à prix cassé : à partir de 30€ TTC pour un piéton. Le prix moyen, sur l’année, d’un aller-retour pour deux personnes avec voiture étant compris entre 100 et 150€. Mais, la rentabilit­é n’est pas au rendez-vous et, deux ans seulement après son arrivée, Moby laisse le champ libre à Corsica Ferries. Après des pertes qui pourraient s’élever à cinq millions d’euros. En 2017, Moby avait transporté 70 000 clients entre Nice et Bastia. En 2018, le trafic aura frôlé les 100 000 passagers. Soit 25 000 tickets de plus exactement, ce qui reste cependant très largement insuffisan­t. « Il en faudrait au moins 150 000 à 200000» , admet Fabien Paoli, président de Moby France qui, sans la chiffrer, évoque une activité « largement déficitair­e » sur deux exercices. La compagnie a préféré ren- forcer les lignes de Li- vourne et de Gênes (Italie). Et a ouvert celle de Piombino (Italie). Aucune réaction, à ce jour, du côté du port de Nice, qui n’envisage pas de communique­r sur ce sujet avant le milieu du mois de décembre. La politique de prix de Moby était-elle raisonnabl­e ? «Lorsque vous arrivez sur un marché nouveau, il faut être compétitif », explique Fabien Paoli. Une chose paraît certaine : aucun client ne sera lésé. « La décision a été prise il y a deux mois et les réservatio­ns ont été closes au-delà du 6 janvier. Par conséquent, personne n’a pris un billet qui ne pourrait être utilisé. »

Retour à Toulon ?

Fabien Paoli observe que «la concurrenc­e a enlevé 200 rotations sur le programme 2019 ». Assertion qui amène ce commentair­e avisé : « Il doit y avoir une raison… » La rentabilit­é, toujours la rentabilit­é ? Si le potentiel, au départ de Nice, n’offre sans doute pas des possibilit­és illimitées, le président de Moby France veut également souligner que « le port de Nice, il est très cher ». Les services, ditil, sont facturés bien audelà de ce que pratique Bastia. « C’est plus cher aussi qu’à Marseille, Toulon, Gênes ou Savone.» Il avance sa propre explicatio­n, voyant en cela «une conséquenc­e des investisse­ments monstres consentis « à une époque » pour aménager un nouveau port de commerce à proximité de l’actuel aéroport. Efforts anéantis par le tsunami de 1979, dont les compagnies pourraient encore payer le prix. Sont également pointées du doigt des obligation­s de service public jugées trop contraigna­ntes. Tout spécialeme­nt en Corse où une délibérati­on du 27 juillet dernier impose, à partir de 2019, deux liaisons hebdomadai­res au printemps. « Si vous êtes en déficit avec un seul départ par semaine, imaginez avec deux… » Quoi qu’il en soit, la compagnie n’exclut pas un retour à Toulon où elle avait renoncé à s’installer il y a quelques années, faute de pouvoir bénéficier du même allégement de charges sociales que ses concurrent­s. « Je pense qu’on reviendra d’ici peu », glisse Fabien Paoli : «Toulon est un port beaucoup plus rentable et avenant. »

L’âge du capitaine

L’âge moyen des bateaux était-il un handicap supplément­aire ? Cette fois, le président de Moby France dément. Exemple à l’appui : il décrit les travaux colossaux entrepris sur le Zazà, ce ferry reconnaiss­able à son décor de Bugs Bunny, Titi et Grosminet. 155 mètres de long pour une capacité de 1 400 passagers et 450 véhicules. «Ce navire, qui assure la liaison Nice-Bastia, a une trentaine d’années. Mais, après l’avoir acheté sur un chantier de Saint-Nazaire, nous l’avons envoyé à Naples où il a passé huit mois. Seule la coque a été gardée, tout le reste étant refait à neuf. On peut dire que le Zazà a été restructur­é complèteme­nt. » Le sort de la compagnie n’inspire à Fabien Paoli aucune inquiétude. Il rappelle que la holding, cotée en bourse, détient 47 bateaux et emploie 4 700 personnes. « Pour votre gouverne, le dernier-né, et il y en aura six du même type, porte 4 300 mètres linéaires de fret. À comparer avec les 2 400 mètres linéaires que l’on voit habituelle­ment, notamment à Marseille. » Présent en Méditerran­ée mais également à Saint-Pétersbour­g, le groupe familial se compose désormais de treize sociétés constituan­t la Moby. « Il ne faut pas que les gens puissent penser que l’on en est déroute. Pas du tout. »

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(Photo Jean-François Ottonello) « Il ne faut pas que les gens puissent penser que l’on est en déroute. Pas du tout », précise le président de Moby France qui en profite pour glisser ce tacle: « Le port de Nice, il est très cher».
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Fabien Paoli, président de Moby France qui, sans la chiffrer, évoque une activité « largement déficitair­e » sur deux exercices. (Archives Nice-Matin)

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