Nice-Matin (Cannes)

Un Mouginois rejugé après 12 ans de cavale

La cour d’assises des A.-M. juge aujourd’hui un Mouginois, accusé d’avoir criblé de balles un jeune Cannois en 2004. Condamné à 20 ans de réclusion en son absence en 2010, il nie en bloc

- CHRISTOPHE CIRONE ccirone@nicematin.fr

La cour d’assises des Alpes-Maritimes examine jusqu’à ce soir un dossier criminel vieux de bientôt quinze ans, déjà jugé une première fois en l’absence de l’accusé : l’assassinat de Kamel Laaroussi, commerçant cannois de 24 ans, le 2 mars 2004. Pierre Baraud, le tueur présumé, a été rattrapé en 2017 après douze ans de cavale. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité. Il nie en bloc. Pâtissier de formation, Kamel Laaroussi travaillai­t dans le quartier du Garibondy, au Cannet. Il a trouvé la mort en pleine nuit à Cannes-La Bocca, sur le chemin de la Plainede-Laval, un lieu isolé de la vallée de la Siagne. Un riverain alerté par des bruits de fusillade avait découvert son corps criblé de neuf balles, gisant à côté de sa Peugeot 206, face contre terre. La brigade criminelle de la PJ de Nice mène alors l’enquête au Cannet, dans la cité Saint-Pierre. Les langues finissent par se délier, et esquisser le scénario criminel. Plus tôt cette nuit-là, des riverains ont entendu une violente dispute en pleine rue. « Je vais te refroidir ! », entend un témoin. Deux voitures redémarren­t ensuite, dont la Peugeot à bord de laquelle Kamel Laaroussi sera pris pour cible. La police judiciaire explore plusieurs pistes. Les soupçons des enquêteurs s’orientent rapidement vers Pierre Baraud, un Mouginois lié à Kamel Laaroussi par le trafic de stups. Avant de mourir, Kamel l’a enregistré en train de l’agonir d’injures. Cet enregistre­ment de quatre minutes sera passé et repassé à l’audience, à la demande du président Patrick Véron.

L’accusé nie toujours

Cette dispute aurait éclaté à cause d’une dette de 40 000 euros, pour une livraison de 500 grammes de cocaïne non réglée. Malgré ses dénégation­s, Pierre Baraud est incarcéré. Son cousin Azedine Seraf, trafiquant notoire, qui l’accompagna­it la nuit du crime, ne sera jamais rattrapé : il meurt en 2006. Pierre Baraud, lui, profite d’une remise en liberté pour prendre la tangente en 2005. En 2010, la cour d’appel des Alpes-Maritimes le condamne à vingt ans de réclusion criminelle en son absence. Il faudra attendre l’été 2017, au prix d’une patiente enquête, pour parvenir à son arrestatio­n au Maroc, puis son extraditio­n vers la France.

L’heure du crime fait débat

Voici donc Pierre Baraud, 53 ans à présent, dans le box des accusés. Aujourd’hui encore, il nie le crime. Sa longue errance ne ressemble-telle pas à un aveu de culpabilit­é ? Le directeur d’enquête en est persuadé : « Mon expérience, c’est que les trafiquant­s restent rarement devant leur domicile en attendant que la police vienne les chercher... » L’accusé, atteint du HIV, assure qu’il était parti se soigner. Me Jean-Louis Keita, son avocat, s’engouffre dans les zones d’ombre de cette nuit sanglante. « Vous avez beaucoup de certitudes, mais vous ne démontrez strictemen­t rien ! », assène-t-il au policier. Au coeur du débat : l’heure exacte du crime. Selon la PJ, l’assassinat aurait eu lieu à 0 h 30. A 1 h du matin, Baraud et Seraf s’engouffren­t au casino Barrière. Or un procès-verbal du commissari­at de Cannes indique l’alerte à 1 h 37. Me Keita peut-il semer le doute dans l’esprit des jurés pour obtenir l’acquitteme­nt ? Il devra pour cela répliquer aux réquisitio­ns de l’avocat général Valérie Tallone. Hier, la mère, les frère et soeur aînés ont demandé justice pour Kamel Laaroussi, « petit frère adoré, très protecteur et aimant ». Certes, Kamel était « mal influencé. Mais cela ne justifie pas qu’il soit mort comme un chien. Personne ne devrait mourir comme ça ! »

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(DR) Kamel Laaroussi a été atteint par neuf tirs, avec des balles de calibre  mm.

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