Piège à Matignon
De la suspension à la suppression, il n’y avait qu’un petit pas que l’exécutif a choisi de ne pas franchir. Histoire d’éviter de donner l’impression de perdre la face, le Président et son Premier ministre ont préféré la solution du moratoire à l’abandon pur et simple des augmentations prévues au er janvier. Résultat, prévisible : personne n’est satisfait. Ni les « gilets jaunes » , convaincus que les taxes reviendront de plus belle dans six mois. Ni les écolos, persuadés qu’on tourne durablement le dos à la transition écologique. Une chose est sûre : quoi qu’en pensent Emmanuel Macron et Edouard Philippe, la taxe carbone est bel et bien morte et enterrée depuis hier, du moins sous sa forme actuelle. Qui peut raisonnablement imaginer que le Premier ministre reviendra dans six mois devant les caméras, la bouche en coeur, annoncer que les augmentations de taxes sur les carburants seront finalement mises en oeuvre ? Le scénario ne tient pas une seconde. Bien avant cette échéance de six mois, l’avenir du quinquennat Macron se jouera dans les tout prochains jours. L’enjeu est double pour le pouvoir, au lendemain de l’opération déminage d’Edouard Philippe : gagner le pari de l’apaisement pour éviter un nouveau samedi de chaos à Paris, inimaginable, mais aussi reconquérir l’opinion en misant sur une baisse de la popularité des « gilets jaunes ». L’un comme l’autre sont loin d’être gagnés. Car si la crise ne faiblit pas, ou même s’amplifie, Emmanuel Macron n’aura pas d’autre choix pour sauver son quinquennat que de faire sauter le fusible Edouard Philippe. Envoyé seul en première ligne depuis dimanche, contraint de manger son chapeau, le Premier ministre est désormais en sursis, pris au piège dans l’enfer de Matignon.