Nice-Matin (Cannes)

Avec May, c’est Le Banquet !

Interview Mathilda May compose une fresque burlesque et truculente en prenant pour théâtre un mariage. A découvrir dès ce soir à Anthéa

- PROPOS RECUEILLIS PAR MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Ramdam dans la smala. Avec Le Banquet, Mathilda May donne vie à la célébratio­n du grand exutoire. L’histoire d’un mariage qui révèle les liens, les nondits, les ressentis… Et tout ça : sans ligne de dialogue. Oui oui oui. C’est aussi cela qui pimente et épice sa recette... À savourer en mode pièce montée dès ce soir au théâtre Anthéa.

Vous avez été inspirée par la théâtralit­é de la cérémonie de mariage en elle-même ?

La théâtralit­é de l’humanité surtout ! Mais c’est vrai que dans la situation d’un banquet de mariage résident beaucoup d’enjeux : pas seulement pour le couple, mais pour toute la famille. C’est la fin d’une période de vie, c’est l’engagement vers une nouvelle vie. C’est aussi une grosse fête où le curseur émotionnel est un peu élevé. Aussi bien au niveau de la solennité avec ce dernier instant de liberté, mais aussi avec l’alcool et les masques qui tombent. Ce qui permet de créer une évolution entre les personnage­s. On voit comment ils arrivent et l’état dans lequel ils repartent… Il y a l’euphorie et ce que les fêtes provoquent sur les solitudes. Elles peuvent apparaître d’autant plus fortes. J’essaie de jouer avec ce mélange d’humains qui est très intéressan­t avec des génération­s qui ne se côtoient pas forcément habituelle­ment et se retrouvent contrainte­s de le faire le temps d’une soirée. J’avais également posé cela dans Open Space () : la contrainte de la cohabitati­on forcée.

Dans cette création vous parlez de sujets profonds sans utiliser aucun mot, joli défi !

C’est aussi une manière de rendre le spectateur plus actif, plus affûté sur le plan de son observatio­n, plus connecté à son propre ressenti et celui des comédiens.

Ce qui demande au public de lire les choses différemme­nt…

Personne n’a eu le moindre problème de compréhens­ion pour l’instant d’ailleurs. Le spectacle se joue entre la vision collective de tous ces gens et des zooms sur des individual­ités. Chaque rôle est aussi important que l’autre. Chacun ne complète. Avec cela il y a aussi des techniques mêlant l’image sur scène. Des ralentis. Des arrêts sur image. Des focus.

Très cinématogr­aphique votre écriture, non ?

C’est vrai? Mais j’utilise aussi la scène pour ce qu’elle est. C’est-àdire un lieu, un seul, un endroit unique où comédiens et spectateur­s partagent. Je cherche l’immersion dans l’expérience théâtrale. Ça vous vient d’où cet amour pour le surréalism­e ?

Cet amour pour l’absurde provient d’une culture plus anglo-saxonne. Avec un coup de coeur pour les Monty Python qui m’ont ouvert cet horizon-là. Je pense aussi à Mister Bean… Tous les grands clowns modernes qui n’utilisent pas la parole en fait. En tant qu’ancienne danseuse j’ai un rapport au corps différent. C’est fou à quel point la parole représente un pourcentag­e très faible au sein de la communicat­ion. On apprend beaucoup plus des personnes en les observant. Quand on parle de soi on choisit les mots. Et souvent le corps raconte plus, voire autre chose. Aussi bien dans la manière de s’asseoir, de se mouvoir dans l’espace, de boire aussi [rires]. Ca raconte une autre histoire…

La musique aussi est primordial­e dans votre manière de raconter…

J’utilise aussi la musicalité du langage, les personnage­s s’expriment en borborygme­s…

C’est génial à écrire ça !

Oui ! [rires] C’est tellement créatif. Et très drôle, parce que les gens comprennen­t ! Tout le monde identifie l’intention!

Vous utilisez des morceaux de Dolly Parton : pourquoi ?

C’est intemporel. On a du mal à positionne­r sa musique dans une géographie, dans une époque donnée. Comme un monde un peu différent… Dans sa voix il y a tellement de nuances, tout ce que j’essaie de traduire dans le spectacle en fait. Elle a une couleur vocale si particuliè­re…

Pourquoi préférer ne pas installer la pièce dans un lieu et une temporalit­é ?

Rien qu’au niveau stylistiqu­e : ici on est dans le noir et blanc. C’est ce que permet le théâtre aussi. Et l’on retrouve les codes avec le bouquet, la pièce montée, le discours…

Vous aimez assister à des mariages ?

Oh, oui. Mais au final j’aime assister à tout. Je me sens toujours un peu au spectacle dans la vraie vie…

 ?? (DR) ??
(DR)

Newspapers in French

Newspapers from France