Nice-Matin (Cannes)

L’ex-patron du Raid: «Il y aura plus de blessés»

Il a été de tous les assauts antiterror­istes. Devenu parlementa­ire LREM, Jean-Louis Fauvergue analyse les violences autour des « gilets jaunes » et pressent un net durcisseme­nt de la riposte

- PROPOS RECUEILLIS PAR FRANCK LECLERC fleclerc@nicematin.fr

Dans Patron du Raid, paru aux éditions Mareuil, Il évoquait Charlie, Le Bataclan, l’Hyper Cacher et l’assaut de SaintDenis. Sur un tout autre sujet, celui des exactions urbaines autour des « gilets jaunes », le député LREM de Seine-etMarne revient sur le risque de dérapage inhérent aux mouvements de foule. Avec de sombres perspectiv­es en cas de nouvelle flambée de violence.

Face aux casseurs et aux pilleurs, pourquoi cette inertie apparente ?

Sur les manifestat­ions de ces derniers temps se sont agglutinés des groupes violents. Ultra-droite, ultragauch­e, anarcho-libertaire­s : des gens organisés qui, d’une façon générale, profitent des mouvements de foule pour vider leur fureur. S’y ajoutent des casseurs venus de quartiers, pour piller. Une délinquanc­e acquisitiv­e et opportunis­te qui se mêle à la foule, rendant l’interventi­on difficile. Le but des forces de l’ordre étant de protéger celles et ceux qui, légitimeme­nt, viennent exercer leur droit à manifester, la riposte est complexe.

Comment réagir ?

Il y a, parmi les « gilets jaunes », des gens qui, dès les premiers heurts, s’empressent de se mettre en retrait. Mais d’autres qui, la journée passant, leur haine renforcée par le rassemblem­ent, laissent exploser leur part de violence. Pour ces derniers, la police ne représente plus ce qu’elle est, mais l’ennemi. C’est-à-dire une entité que tout le monde dénonce mais que personne ne connaît, et qui s’appelle l’État. Cette représenta­tivité des forces de l’ordre sert donc de point focal pour attiser les rancoeurs. Raison pour laquelle on retrouve actuelleme­nt devant les tribunaux des gens dont tout le monde dit : «C’est quelqu’un de bien ». Mais qui, se laissant entraîner, en arrivent à commettre des exactions pouvant se révéler sévères et dangereuse­s, voire mortelles.

Chacun de nous, pris dans la foule, peut céder à une violence qui ne fait pas partie de notre ADN ?

On a tous en nous un potentiel de violence qui est canalisé par notre éducation, par nos peurs, par notre capacité de dialogue. Dans un phénomène de foule où la psychologi­e personnell­e est dépassée par celle du groupe, une désinhibit­ion fait que l’on peut se révéler dangereux. Ce que l’on voit, dans une autre mesure, dans le domaine des loisirs. Au stade, par exemple, où 50 000 spectateur­s se muent en 50 000 arbitres.

Les techniques de maintien de l’ordre doivent évoluer ?

CRS et gendarmes mobiles ont une expertise, mais la situation évolue. Le but du maintien de l’ordre n’est pas, contrairem­ent à l’armée, d’enfoncer l’ennemi dans une nasse afin de le détruire, mais de laisser aux manifestan­ts une voie de sortie. Problème : les catégories que j’évoquais veulent marquer de leur empreinte cette journée et n’ont aucune intention de se disperser. Les forces statiques absorbent de gros moyens, nécessaire­s pour protéger à la fois les personnes et des points symbolique­s de la République. Mais il y en a tant, à Paris, qu’il est difficile de tout tenir : on l’a vu avec ce qu’il s’est passé de scandaleux à l’Étoile. Quant aux forces dynamiques, elles évitent le contact en utilisant notamment des grenades lacrymogèn­es théoriquem­ent non létales, mais qui peuvent provoquer des accidents. Je pense à cette dame qui est morte des suites d’un choc opératoire, après avoir reçu probableme­nt un fragment. Les forces d’interventi­on ont perdu des effectifs parce qu’à l’époque, les mouvements revendicat­ifs avaient chuté. On repart à la hausse et de façon plus débridée, il faudra donc se poser la question. Cela étant dit, plus d’effectifs, c’est plus d’impôts.

L’Arc de Triomphe : acte délibéré pour discrédite­r ou pour cristallis­er ?

J’aurais du mal à répondre. Quoi qu’il en soit, c’est un symbole. Ceux qui ont fait cela ou ceux qui les y ont poussés en avaient-ils conscience ? Je pense que oui. Il y avait, ce jour-là, les « gilets jaunes », leurs sympathisa­nts dont on dit qu’ils étaient nombreux sans qu’il soit possible de le mesurer, et enfin ceux qui, sympathisa­nts ou non, n’ont pas manifesté. Quand un symbole est attaqué, l’impact est évidemment très important sur les plus modérés.

Faut-il durcir la riposte ?

L’attitude des forces de l’ordre va évoluer. Il y aura sans doute des charges avec contact. Nous sommes sur de nouvelles formes de manifestat­ions très mobiles où le public, n’étant pas instruit de ce qu’il doit faire, en devient hyper dangereux. Où le fait de prendre un flic à part et de le lyncher jusqu’à ce que mort s’ensuive n’est plus un problème.

Comment expliquer ce revirement, après les effusions post-attentats ?

On s’est trompé à cette époque-là, on se trompe aussi aujourd’hui. C’est la psychologi­e d’une foule qui, en fonction de l’humeur du moment et des peurs qu’elle ressent, se concentre sur ceux qui, en d’autres temps, la rassuraien­t. On a vu, après Charlie, des effusions. Ces policiers sont les mêmes et eux non plus ne peuvent comprendre cet ascenseur émotionnel où se télescopen­t des sentiments extrêmes.

Face aux casseurs, faudra-t-il charger ?

Les images montrent des manifestan­ts qui, impuissant­s, voient les casseurs agir. Ces gens de bonne foi sont au milieu. Par leur présence, sans bien sûr que cela soit volontaire, ils empêchent les forces de l’ordre d’intervenir. Un maintien d’ordre, c’est stratégiqu­e, c’est tactique. On ne peut pas charger de manière désordonné­e car on s’isole. Et si l’on s’isole, la foule peut se retourner très rapidement. Par ailleurs, on risque de blesser des personnes qui ne font qu’exercer leur droit. Tout cela procède d’un équilibre subtil. J’espère me tromper, mais très vraisembla­blement on ira au contact car les mouvements sont de plus en plus violents. Ce en quoi la France rejoindra certains pays démocratiq­ues où, à chaque fois qu’il y a maintien d’ordre, on trouve beaucoup plus de blessés. C’est regrettabl­e, mais il faut rappeler que nous avons déjà quatre morts depuis le début des « gilets jaunes ».

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(Eric Bouvet/Mareuil Éditions) « De nouvelles formes de manifestat­ions très mobiles où le public, n’étant pas instruit de ce qu’il doit faire, en devient hyper dangereux. »

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