Nice-Matin (Cannes)

Une sortie de crise est-elle possible ?

- MICHÈLE COTTA Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

D’une certaine façon, les « gilets jaunes » ont déjà gagné. En tout cas à Paris, où l’un après l’autre, les grands magasins et les musées ferment leurs portes, où cafés, restaurant­s et pharmacies baissent leurs rideaux tandis que les établissem­ents scolaires se barricaden­t. Ils ont gagné,

donc, mais quelle est leur victoire ? Celle de la peur, sûrement. Cela leur suffitil ? Non, évidemment. Car celle-ci, justement, peut se retourner contre la cause qu’ils défendent. Chacun d’un coup, hier, à gauche, à droite et même chez les « gilets jaunes », de Marine Le Pen à Laurent Wauquiez en passant par les leaders « historique­s » de « gilets jaunes », a bien ressenti le danger que peut faire courir, pour la République et la démocratie tout simplement, – grands mots que certains viennent de redécouvri­r – un mouvement incontrôla­ble, aux mille revendicat­ions, sans leaders reconnus, dont les demandes vont de la pure revendicat­ion sociale, dont celle, justifiée, du pouvoir d’achat, aux appels à investir l’Élysée, comme en , quand les Parisiens ont investi la Bastille. Voilà pourquoi les « gilets jaunes » sont arrivés, aujourd’hui, à un tournant majeur de leur mouvement. Pourquoi ? D’abord parce que le gouverneme­nt, – et donc le Président – ont ouvert le dialogue avec eux, dialogue que ceux-ci ont accepté, en se rendant hier soir à Matignon. Certaines des revendicat­ions des « gilets jaunes », en effet, pouvoir d’achat, salaires, difficulté­s des retraités, ont été entendues. L’heure de la concertati­on semble avoir sonné. Ensuite parce que la majorité de ceux qui bloquent les carrefours ou allument des braseros dans toute la France ne réclament, au plus profond d’eux-mêmes, ni le chaos, ni la révolution. Ils demandent seulement qu’on les entende, et qu’on ne leur promette pas des carabistou­illes, mais quelques mesures, précises, efficaces, qui mettent un terme à leurs fins de mois difficiles. Des casseurs ? Il y en a beaucoup depuis des années dans les manifestat­ions, à Paris et ailleurs depuis des années. Mais ils restent, et de loin, minoritair­es. Ils sont là, comme leur nom l’indique, pour détruire, et pas pour construire. Le bon sens voudrait, – mais la politique est-elle faite avec du bon sens ? – que le moment des Etats généraux soit venu, et pas celui de la mort du Roi.

« La majorité de ceux qui bloquent les carrefours ne réclament, au plus profond d’eux-mêmes, ni le chaos, ni la révolution »

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