Frédéric Mitterrand : « Je veux montrer une autre facette »
Surprise, l’ex-ministre de la Culture qui toque à la porte de l’Académie française apparaît bâillonné sur l’affiche de son premier spectacle. Une façon de se dévoiler entre gravité et légèreté
Frédéric Mitterrand seul en scène ? Peu surprenant au regard de l’aisance publique du personnage, animateur-producteur dont le célèbre «Bonsoir ! »si reconnaissable claquait jadis dans le PAF. La formule donne d’ailleurs son nom au spectacle parisien(1) débuté voici à peine une semaine avec pour postulat de l’intéressé sanglé sur scène dans un costume Christian Dior Couture, « La lecture est un plaisir silencieux. La faire partager est une aventure ». Pour en parler l’ancien ministre de la Culture ne s’avère toutefois pas aussi loquace que l’on s’y attendait. Surtout après sa prestation «enflammée» chez Nagui sur France Inter... Cette semaine, le ton est songeur et l’évocation de la disparition récente de Florence Malraux, fille de son illustre prédécesseur à la Culture, au côté de laquelle il baptisa d’ailleurs le navire d’exploration l’André-Malraux en 2012 à La Ciotat, confirme la tonalité pensive de l’entretien, ponctué malgré tout de saillies cinématographiques.
Ce spectacle est-il né de votre propre initiative ?
Non, c’est un producteur, Alexandre Baud, qui me l’a proposé et je me suis laissé convaincre avec l’idée d’une tournée en province pour . Mais il faudra voir, car lorsque j’aurai fini les représentations parisiennes le janvier je pense que j’en sortirai rétamé !
Ce sont seulement des lectures ou y a-t-il un jeu particulier ?
Ce sont des lectures avec quelques inserts comme des extraits de films, du mariage de Rita Hayworth au Château de l’Horizon (à Vallauris en avec Le prince Ali Khan, Ndlr) et de la musique. En toile de fond, on retrouve un joli décor que j’ai signé, constellé de souvenirs personnels et de dessins de Pierre Le-Tan que j’apprécie énormément.
Existe-t-il un fil rouge autour de votre sélection de textes ?
Il y a une chronologie en tout cas qui est assez biographique. J’introduis en quelques mots au public des extraits tirés de plusieurs de mes livres dont La Mauvaise Vie (), Le Festival de Cannes (), Une Adolescence () et Mes regrets sont des remords ().
Êtes-vous à l’aise sur scène ?
Oui, il me semble. Je me suis déjà produit à l’Assemblée nationale donc ça va (sourire).
L’affiche où vous apparaissez bâillonné, est-elle un clin d’oeil à votre côté bavard ?
C’est l’idée que ce n’est pas le Frédéric Mitterrand de «Bonsoir !». C’est autre chose... Un peu plus grave tout en étant drôle par moments j’espère.
Le père de famille que vous êtes porte-t-il un regard sur la PMA ouverte à toutes les femmes ?
Non, non, ce n’est pas du tout le sujet des lectures. J’en ai marre de parler de l’actualité... A chaque interview on me parle des «gilets jaunes»...
Tout de même, vous avez bien un avis sur la restitution des biens culturels africains acquis durant les colonies ?
Sur le principe je le comprends, mais sur l’application je suis très très sceptique... Mais c’est bien que la question soit posée. Après, il ne faut pas faire n’importe quoi ! J’attends de lire le rapport sur la question.
Quatre fauteuils demeurent vacants à l’Académie française. Toujours dans la course ?
On verra... Là, il vient encore d’y avoir une «élection blanche» (avec Pascal Bruckner et Benoît Duteurtre, mais aucun n’a été élu, Ndlr). De mon côté je n’abandonne pas. Mon échec en juin dernier ne suscite ni angoisse ni amertume. Il y a une règle du jeu et je la respecte. Mais vous savez comme on dit «L’Académie il faut y penser mais ne pas en parler»... Une autre formule des académiciens dit qu’une élection «C’est imprévisible avant et incompréhensible après».
Les velléités de Fabrice Luchini sont-elles appropriées ?
C’est très bien. Il a toute sa place à l’Académie française.
A quand la diffusion de votre documentaire sur Hollywood
avec Lana Turner en fil conducteur ?
Arte ne m’a pas donné de date. Je me demande s’ils ne veulent pas le garder pour le Festival de Cannes. En tout cas j’en suis très fier. La fille de Lana Turner et la comédienne Marisa PavanAumont que je suis venu voir chez elle à Gassin en février dernier, sont mes principaux témoins de l’époque.
L’autre pan documentaire concerne une série sur les écrivains «au péril de la guerre»...
Oui pour la chaîne Histoire .Dix épisodes de mn chacun viennent d’être terminés. Il y aura Camus et la guerre d’Algérie, Apollinaire et Joseph Roth pour -, Hemingway et Orwell pour la guerre d’Espagne, Brasillach durant -, etc. J’en ai quarante en projet. C’est un peu sur le modèle de ce que faisait Alain Decaux, avec beaucoup d’archives.
Comment jaugez-vous le nouveau ministre de la Culture Franck Riester ?
Je le trouve très bien. Nous défendons les mêmes causes et nous avons travaillé agréablement ensemble lorsque j’étais ministre. Il était le rapporteur de la loi Hadopi. Il en est resté des liens d’amitié et une véritable estime mutuelle je pense... Il connaît très bien le monde de la communication et comme ce dernier a tendance à phagocyter celui de la culture, il va pouvoir rétablir l’équilibre.
Pour finir, quel souvenir l’enfant que vous étiez, garde-t-il de Fortunat aux côtés de Michèle Morgan et Bourvil ?
Il y a un extrait dans mon spectacle qui évoque pas mal de souvenirs d’enfance. Je garde un souvenir très précis du film. En plus j’avais de très bons rapports avec Michèle Morgan et Bourvil qui étaient des gens très différents l’un de l’autre mais absolument adorables. Je pense que cette expérience a beaucoup joué dans ma vie.
Des liens d’amitié avec Franck Riester” L’Académie française c’est imprévisible”