Mais dans quel monde - pollué - vivons-nous ?
La Ligue contre le cancer 06 a organisé un débat dans le cadre de la restitution des états généraux de la prévention des cancers. Au centre des préoccupations : l’environnement
Achaque inspiration, c’est un demi-litre d’air qui pénètre dans nos poumons. Soit 400 litres par heure et plus de 4000 m3 par an. Les alvéoles pulmonaires représentent une surface d’échange de 100 m² par laquelle transite tout ce qui constitue l’air, y compris les polluants. Et plus ils sont fins, plus loin ils iront dans les alvéoles. Ces dernières années, la pollution aux particules fines et ultra-fines a explosé. Et avec elle, le nombre de pathologies pulmonaires, y compris les cancers. Le sujet faisait l’objet d’échanges passionnants – et inquiétants – lors du colloque baptisé « On en discute » et organisé par La Ligue contre le cancer des Alpes-Maritimes la semaine dernière. Selon le Dr Michel Poudenx, oncologue et pneumologue au centre Antoine Lacassagne et au CHU de Nice, les liens entre pollution et cancer ne font aucun doute : « À tabagisme égal, les études prouvent que les personnes soumises à des niveaux de pollution plus élevés ont plus de cancers; il y a un effet cumulatif entre tabac et pollution.» Les fumeurs habitant dans des zones très exposées à la pollution encourent ainsi bien plus de risques que les autres. Au coeur des inquiétudes, les particules ultra-fines, ou nanoparticules, les plus dangereuses pour la santé Du fait de leur taille -elles mesurent moins de 0,1 micronelles peuvent rentrer très profondément dans l’organisme. «On en a même trouvé des traces dans le cerveau.» Envie de vous calfeutrer chez vous? Fausse bonne idée. Il est illusoire de croire que l’on est mieux protégé dans le cocon de son domicile. Au contraire. Alors que l’on passe 85 % de notre temps à l’intérieur des bâtiments, on apprend que l’on y respire souvent mal. Patricia Roques, enseignant chercheur spécialiste des questions de la consommation d’énergie à l’université de Nice Sophia-Antipolis, confirme : « L’air intérieur peut être bien plus mauvais que l’air extérieur, en fonction des caractéristiques physiques du logement. Les revêtements, les matériaux utilisés peuvent diffuser les polluants.» La spécialiste dénonce aussi la situation de précarité énergétique. « Elle est une réalité : 7,5 millions de personnes en France chauffent peu ou mal faute d’isolation satisfaisante. Or, pour chaque euro que l’on investirait dans le logement, on économiserait 0,42 euro pour la santé.»
Aérer régulièrement
Autre question que l’on peut légitimement se poser : avec toute cette pollution, faut-il ouvrir ses fenêtres ? La réponse est sans appel : oui, il faut aérer et renouveler l’air. Dominique Robin, directeur général d’AtmoSud, note, étude à l’appui, que « dans une salle de classe de primaire, on a mesuré le taux de dioxyde de carbone : les salles qui ne sont pas aérées sont saturées en 15 minutes. Or 80 % des établissements scolaires n’ont pas de ventilation mécanique, alors que l’enfance est une période de vulnérabilité. A la maison, c’est la même chose, il faut s’habituer à ouvrir régulièrement les fenêtres pour renouveler l’air, notamment tôt le matin lorsque l’air extérieur est moins pollué. » Huiles essentielles, plantes... autant de trucs de grand-mère qui, selon les experts, n’élimineront pas la pollution intérieure. En revanche, il est possible de la limiter en choisissant avec précaution ses matériaux. Désormais, les fabricants proposent des produits (notamment les peintures,
vernis, etc.) moins nocifs. Il faut scruter les étiquettes – et accepter de payer un peu plus cher mais le jeu en vaut la chandelle. Car le Dr Michel Poudenx résume bien l’objectif ultime : « Dans ses poumons, il faut mettre de l’air et rien d’autre ».
Il y a un effet cumulatif entre tabac et pollution