Les perturbateurs endocriniens : ennemis puissants et invisibles
Second sujet au coeur des débats, les fameux perturbateurs endocriniens, ces molécules ubiquitaires capables de perturber le fonctionnement hormonal et d’induire des maladies. « Les perturbateurs endocriniens présentent des caractéristiques, signale Gilles Nalbone, directeur de recherche émérite Inserm, correspondant Marseille réseau environnement santé. Il s’agit de molécules capables d’agir à très faible dose, voire d’être encore plus délétères à faible dose! On change donc de paradigme en termes de toxicologie. Ensuite, on trouve un effet cocktail; les données scientifiques ont démontré qu’une molécule seule ou combinée à d’autres ne se comporte pas de la même manière. Ce qui fait voler en éclats la notion de dose en dessous de laquelle on est protégé. » Parce que même si la dose est très faible, c’est le cumul avec une ou plusieurs autres molécules qui aura un effet délétère. « Enfin, il y a la période d’exposition. Grâce aux progrès de l’épigénétique, on sait qu’il y a un lien entre l’environnement et l’expression des gènes : des molécules, des polluants, le stress peuvent modifier le génome du foetus et programmer l’apparition ultérieure de pathologies. Il a été ainsi prouvé que les filles dont les mères avaient été exposées au DDT (le dichlorodiphényltrichloroéthane, un produit chimique organochloré utilisé dans des insecticides, Ndlr) dans les années ont , fois plus de risques de développer un cancer du sein. » Dans le même ordre d’idées, le Pr Patrick Fenichel, endocrinologue et gynécologue, rappelle le résultat d’une étude édifiante réalisée à la maternité du CHU de Nice L’Archet : «Ona trouvé des traces de DDT dans % des laits maternels et % des prélèvements de sang de cordon, alors que ce produit chimique est interdit depuis ans! » « On a remarqué que le cancer du testicule, le plus fréquent chez l’homme jeune (entre et ans), est en augmentation de % par an. Or on sait qu’il se « prépare » in utero. Une étude suédoise a montré que le taux de perturbateurs endocriniens dans le sang de ces patients n’est pas différent de celui du reste de la population. En revanche, c’est dans le sang des mères qu’on a retrouvé une concentration de perturbateurs endocriniens cinq fois plus élevée. Cela montre bien la problématique de l’exposition foetale aux perturbateurs endocriniens.» En termes de conseils de prudence, le spécialiste recommande « aux femmes enceintes et si possible, trois mois avant le début de la grossesse, donc dès qu’elles en ont le projet, d’utiliser le moins de cosmétiques possible. » Il est d’ailleurs possible de décrypter les étiquettes grâce à des applications comme Clean Beauty créée par la Niçoise Claire Gagliolo. Et le Pr Fenichel de conclure en présentant deux mesures de précaution à adopter facilement : « Il ne faut pas chauffer d’aliment dans des récipients en plastique et privilégier la nourriture biologique. »