Nice-Matin (Cannes)

SCÈNES DE VIOLENCE À ANTIBES

Reportage auprès des «gilets jaunes», partis de Nice, qui ont manifesté hier à la frontière italienne après avoir tenté, en vain, de rejoindre des manifestan­ts transalpin­s et mentonnais

- GRÉGORY LECLERC gleclerc@nicematin.fr

Des heurts entre policiers et manifestan­ts se sont produits hier à Antibes. D’autres opérations ont eu lieu dans le départemen­t comme à Cannes et Grasse. À Paris, de nombreuses interpella­tions ont permis d’éviter le pire.

Le réchaud à gaz est récalcitra­nt. Il finit quand même par accepter de délivrer une flamme. Les saucisses sont de sortie, une bouteille de pastis émerge d’un top-case. Ca hurle «Macron démission» sur fond de concert de klaxons. Cette scène ne se déroule pas dans un champ, mais en plein milieu de l’autoroute A8, sens France-Italie. À une centaine de mètres du péage de Vintimille. Un énorme convoi de «gilets jaunes» s’était ébranlé vers 10 h 45 hier depuis le stade de l’Allianz Riviera à Nice. Près de 400 motos et voitures se sont engagées sur l’A8. La semaine dernière, les manifestan­ts avaient bloqué l’aéroport. «Là, on va rejoindre des “gilets jaunes” italiens et nos copains qui manifesten­t à Menton», explique Edwin, un des organisate­urs. Des “gilets jaunes” italiens, on ne verra pas le début de la première bande réfléchiss­ante. Le convoi français n’a en effet jamais franchi la frontière. Il a juste vu du bleu : des gendarmes massés au péage de La Turbie. Les militaires ont été copieuseme­nt klaxonnés par les manifestan­ts franchissa­nt les barrières levées, sans payer. Les Mentonnais, eux, ont manifesté de leur côté (lire par ailleurs). La jonction n’aura pas lieu non plus. Le cortège s’est donc finalement tanké là, à Vintimille, au soleil. Au nez de carabinier­s italiens légèrement médusés et un peu pris de cours.

«Je ne lâcherai pas»

Dans l’odeur des saucisses qui cuisent trop doucement - le réchaud fait encore des siennes - Céline, la trentaine, va et vient. Elle est sapeurpomp­ier de la Fédération autonome. Une cinquantai­ne de ses collègues se sont joints au mouvement dans la matinée. Mais ils n’ont pas opté pour l’option italienne, préférant s’installer au péage de SaintIsido­re. Céline, elle, a suivi le mouvement jusqu’en Italie. Déterminée. Pour l’acte V, VI, VII, VIII s’il le faut. « Je ne peux plus supporter que des personnes âgées meurent dans la rue. Je ne peux plus supporter toute cette injustice sociale. Je suis là depuis le début et je ne lâcherai pas.» Céline nous raconte ce que beaucoup disent avoir découvert chez les «gilets jaunes» : la solidarité. «C’est une population merveilleu­se. Avec ce mouvement, on fait tomber les barrières que les Etats, que les politiques, avaient dressées entre nous.» Dans les rangs des manifestan­ts, toutes les revendicat­ions affleurent. Certaines réalistes, d’autres utopistes : une nouvelle constituti­on, le retour de l’ISF, un «gilet jaune» président, une retraite à 1200 euros minimum, le relèvement des minimas sociaux, la baisse de la CSG. Vers midi, l’un des meneurs prévient la troupe que les autorités italiennes menacent de charger. Les «gilets jaunes» filtrent en effet des deux côtés de l’autoroute, provoquant un énorme bouchon. Un concert de klaxons de soutien accueille pourtant leur action. La perspectiv­e d’une garde à vue chez les carabinier­s ne semble enchanter personne. Ils en préférerai­ent presque les CRS français. «Laissez-nous finir de manger, et on s’en va.» Les carabinier­s acceptent. Marie, la soixantain­e, observe et filme la scène au smartphone. «Macron nous méprise. J’espère qu’il tombera. Je suis retraitée, avec 1400 euros par mois. Je ne me plains pas, même si c’est dur. Je manifeste pour ces gens qui n’ont rien. Ce gouverneme­nt nous considère comme des moins que rien.» Sur l’A8, l’atmosphère est à la rigolade, bien plus détendue que la semaine précédente. On frôlera toutefois l’incident frontalier quand les «gilets jaunes» lanceront «Bella ciao» sur leur sono. Un chant italien, certes. Mais il s’agissait là (sic) de la version interprété­e par Maître Gims. On a déclenché des guerres pour moins que ça... Les policiers transalpin­s devront aussi supporter une chenille endiablée lancée par les «gilets jaunes». Sous cette pression bon enfant, un carabinier finira par accepter deux roses ... jaunes, tendues par une manifestan­te. Après avoir filtré l’accès au péage de La Turbie, et offert la gratuité, les «gilets jaunes» se dispersero­nt dans le calme. Parés pour l’acte V.

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Partis de l’Allianz Riviera à Nice, les «gilets jaunes» ont pris possession de l’A hier jusqu’à la frontière italienne en passant par le péage de la Turbie, provoquant des bouchons monstres. (Photos François Vignola)
Partis de l’Allianz Riviera à Nice, les «gilets jaunes» ont pris possession de l’A hier jusqu’à la frontière italienne en passant par le péage de la Turbie, provoquant des bouchons monstres. (Photos François Vignola)
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??
 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France