Nice-Matin (Cannes)

En Patagonie, ils sont allés au bout d’eux-mêmes

L’équipe de Mandelieu et du Cannet a fini 7e de la Patagonian Expedition Race. Dix jours à lutter contre une nature hostile. Malgré l’entorse à la cheville de Céline au 7e jour ! Un exploit

- GAËLLE ARAMA garama@nicematin.fr

Ils ont les traits un peu tirés. Les doigts encore insensibil­isés par les heures dans le froid et l’humidité. Céline a encore la cheville gonflée et le gros orteil bandé. Tous ont perdu 3 à 4 kg. Mais, de retour à Mandelieu, ils ont ce sourire du défi accompli, du rêve réalisé. Avec son mari Fred, 43 ans, le frère de celui-ci, Olivier, 38 ans, et un autre fondu de raids extrêmes, le Cannettan Olivier Renard, 53 ans, cette maman de deux enfants revient quasiment de l’enfer. Un enfer de neige et de boue, de tourbières et de ronces, de broussaill­es et de fjords glacés. Une nature hostile au fin fond de la Patagonie où avancer à 2 km/h est une gageure. Son équipe, la Patagonia Barth 4, la seule française au départ, les a pourtant avalés, un par un, ces terribles 560 km. Soit 220 km de trek (dont deux jours dans la neige), 300 de vélo et 40 de kayak. Pour finir 7e sur dix équipes dont deux abandons de la 13e Patagonian Expedition Race. « Une course d’usure où tu luttes en permanence contre les éléments dans une végétation impénétrab­le, sans aucun sentier. Seul répit, les quatre heures de sommeil maxi par nuit », résume Fred, médaille au cou et grand sourire. « J’étais le maillon faible »

Un exploit d’autant plus incroyable que Céline, 44 ans, se blesse au 7e jour du raid et continue donc trois jours d’efforts intenses avec une entorse à la cheville ! « Avec les pieds en permanence mouillés, j’ai d’abord eu une ampoule que j’ai crevée. Et puis au trek, je me tords la cheville. Il y avait une succession de ravins hyper-abrupts à descendre et remonter… Je n’ai rien dit. Une journée compliquée. Le soir, j’ai craqué. J’étais déçue pour moi, mes enfants, pour Fred, l’équipe… J’étais le maillon faible », souffle la sportive. Mais le lendemain, la prof de sport à l’université de Nice au mental d’acier, repart. Et la solidarité joue. « Les autres me délestent d’une partie de mon sac qui fait une douzaine de kilos ». Mais il y a deux cols montagneux à franchir. C’est là que l’équipe surprend tout le monde. Esquive la difficulté en contournan­t les massifs. Dix km de plus. Mais plus gérable pour la courageuse compétitri­ce qui combat la douleur aux anti-inflammato­ires. Le lendemain, c’est l’épreuve de kayak. Surmontée. Mais comment affronter les 37 km de vélo qui suivent ?

« Je souffre à chaque coup de pédale »

« J’avais le pied tellement gonflé que je ne pouvais pas mettre ma chaussure de vélo, alors je garde celle de trek. Je compense avec l’autre jambe. Je souffre à chaque coup de pédale ». Restait encore l’ultime phase de trek. Le dernier jour. Sans doute le plus long pour Céline. « Mon ampoule était pleine de pus. Les autres m’ont soutenu. Cela m’a fait du bien d’entendre que je pouvais abandonner. Mais je ne pouvais pas lâcher. Alors, j’ai avancé. Intérieure­ment, je pestais contre moi, contre eux », rigole-t-elle aujourd’hui.

Chaussette­s mouillées

Une expédition au quotidien très rude. Remettre chaussette­s mouillées et glacées chaque matin. Assurer un minimum d’hygiène à la lingette. Dormir dans une tente qui prend l’eau. Avec des moments dignes de Mac Gyver… Comme Fred, les pieds lardés d’ampoules, qui a fini la course avec les chaussures de rechange d’Olivier

de deux pointures de plus. Ou quand Olivier a dû découper au canif l’arrière de la sienne pour épargner une cicatrice au talon à vif à cause des frottement­s. Une belle aventure qui fait la fierté de leurs familles et leurs proches qui ont suivi leur incroyable exploit grâce au GPS. À quand un nouveau défi ? Céline songe déjà au Raid des Alizés, course de filles en Martinique. Olivier rêve de pôle Nord et de banquise. Et Fred est titillé par un challenge en mer. Chiche ?

 ?? (Photo Gilles Traverso) ?? Joie partagée pour le Cannettan Olivier Renard, les Mandolocie­ns Céline et Fred Decamps. Olivier Decamps, le frère de Fred, réside quant à lui à Embrun.
(Photo Gilles Traverso) Joie partagée pour le Cannettan Olivier Renard, les Mandolocie­ns Céline et Fred Decamps. Olivier Decamps, le frère de Fred, réside quant à lui à Embrun.

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