Nice-Matin (Cannes)

Le grand chantier

- de DENIS JEAMBAR Journalist­e et écrivain edito@nicematin.fr

Mais pourquoi donc Emmanuel Macron a-t-il tant tardé pour répondre à la révolte des « gilets jaunes »? Nul doute qu’il aurait éteint l’incendie s’il était intervenu au début de cette crise. Les annonces qu’il a faites, hier soir, au cours de son interventi­on télévisée sont certes loin d’être négligeabl­es mais nul ne peut encore dire si elles permettron­t d’apaiser à présent les esprits. Il est évident que les « gilets jaunes », qui ne croient plus aux promesses, ne vont pas rentrer chez eux tout de suite et l’opinion rapidement se retourner. Les « gilets jaunes », et les Français dans leur ensemble, vont surveiller l’exécution des mesures sur le pouvoir d’achat promises pour le er janvier  : confirmati­on de la suppressio­n de la hausse de la taxe sur les carburants, hausse de  € par mois du SMIC, suppressio­n de la hausse de la CSG pour les retraités percevant moins de  € par mois, défiscalis­ation et suppressio­n des charges sur les heures supplément­aires et, plus aléatoire car dépendant des seules entreprise­s, versement d’une prime de fin d’année, elle aussi défiscalis­ée et sans charge. Au gouverneme­nt de mettre en oeuvre ces mesures pour répondre à l’urgence de la situation. La déception est interdite sur ce terrain. Mais le chef de l’Etat a voulu aller plus loin dans cette interventi­on de treize minutes empreinte à juste titre de gravité. Tout en réaffirman­t sa volonté de rétablir l’ordre public, il a cherché à préserver son autorité qu’il sait contestée en se présentant comme le garant des libertés. Mais il a prononcé aussi un acte de contrition, reconnaiss­ant ses erreurs, regrettant ses nombreux propos qui ont pu blesser, changeant de langage pour paraître plus proche, louant les maires que, hier, il bousculait et cherchant, surtout, à se placer au centre du grand débat qu’il entend ouvrir sur le futur du pays. C’est un immense chantier qu’il promet d’engager au plus vite pour donner enfin un cap au pays car nul ne comprend vraiment celui qu’il a choisi au cours de ses vingt premiers mois de mandat. Il promet de mettre tout sur la table et de faire participer l’ensemble du pays à ce travail de réflexion. Emmanuel Macron a balayé très large et renoncé, au fond, à sa colonne vertébrale jupitérien­ne. La révolte des « gilets jaunes » a donc pour conséquenc­e une révolution dans le système macronien. Mais si le chef de l’Etat a voulu faire passer le message qu’il avait compris ce qui se passe dans le pays, a-t-il été compris ? Le Président est loin d’avoir gagné la partie car, en laissant la crise prendre de l’ampleur, il a transformé en énorme kyste le rejet qu’il suscite.

« Emmanuel Macron a balayé très large et renoncé, au fond, à sa colonne vertébrale jupitérien­ne. »

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