Le grand chantier
Mais pourquoi donc Emmanuel Macron a-t-il tant tardé pour répondre à la révolte des « gilets jaunes »? Nul doute qu’il aurait éteint l’incendie s’il était intervenu au début de cette crise. Les annonces qu’il a faites, hier soir, au cours de son intervention télévisée sont certes loin d’être négligeables mais nul ne peut encore dire si elles permettront d’apaiser à présent les esprits. Il est évident que les « gilets jaunes », qui ne croient plus aux promesses, ne vont pas rentrer chez eux tout de suite et l’opinion rapidement se retourner. Les « gilets jaunes », et les Français dans leur ensemble, vont surveiller l’exécution des mesures sur le pouvoir d’achat promises pour le er janvier : confirmation de la suppression de la hausse de la taxe sur les carburants, hausse de € par mois du SMIC, suppression de la hausse de la CSG pour les retraités percevant moins de € par mois, défiscalisation et suppression des charges sur les heures supplémentaires et, plus aléatoire car dépendant des seules entreprises, versement d’une prime de fin d’année, elle aussi défiscalisée et sans charge. Au gouvernement de mettre en oeuvre ces mesures pour répondre à l’urgence de la situation. La déception est interdite sur ce terrain. Mais le chef de l’Etat a voulu aller plus loin dans cette intervention de treize minutes empreinte à juste titre de gravité. Tout en réaffirmant sa volonté de rétablir l’ordre public, il a cherché à préserver son autorité qu’il sait contestée en se présentant comme le garant des libertés. Mais il a prononcé aussi un acte de contrition, reconnaissant ses erreurs, regrettant ses nombreux propos qui ont pu blesser, changeant de langage pour paraître plus proche, louant les maires que, hier, il bousculait et cherchant, surtout, à se placer au centre du grand débat qu’il entend ouvrir sur le futur du pays. C’est un immense chantier qu’il promet d’engager au plus vite pour donner enfin un cap au pays car nul ne comprend vraiment celui qu’il a choisi au cours de ses vingt premiers mois de mandat. Il promet de mettre tout sur la table et de faire participer l’ensemble du pays à ce travail de réflexion. Emmanuel Macron a balayé très large et renoncé, au fond, à sa colonne vertébrale jupitérienne. La révolte des « gilets jaunes » a donc pour conséquence une révolution dans le système macronien. Mais si le chef de l’Etat a voulu faire passer le message qu’il avait compris ce qui se passe dans le pays, a-t-il été compris ? Le Président est loin d’avoir gagné la partie car, en laissant la crise prendre de l’ampleur, il a transformé en énorme kyste le rejet qu’il suscite.
« Emmanuel Macron a balayé très large et renoncé, au fond, à sa colonne vertébrale jupitérienne. »