Nice-Matin (Cannes)

Mémoire de Grassois «Jeannot» Cassarini: récit ciselé de la rue Droite

- CORINNE JULIEN BOTTONI

Retrouvez cette rubrique qui donne la parole à un habitant de la cité des parfums ou du pays grassois. Aujourd’hui, «Jeannot» Cassarini, coiffeur bien connu des Grassois, évoque ses jeunes années au coeur de la rue Droite.

Autrefois, la rue Droite commençait devant les escaliers du Cours et serpentait jusqu’à la place de la Vieille-Boucherie, englobant alors les actuelles rues Ossola et Journet. Son appellatio­n s’explique par le cadastre du XVe siècle qui mentionne une « carreria deretta », qui signifie directe, et non droite ! Jean Cassarini, plus connu sous le pseudonyme de « Jeannot », est né au numéro 39 de la rue. Il a connu l’époque où la venelle, grand axe de la vieille cité, était un des hauts lieux du commerce grassois. « Nous habitions au deuxième étage et je me souviens que ma mère ne fermait jamais la porte de l’appartemen­t. Tout le monde se connaissai­t et une atmosphère bon enfant régnait dans toute la rue. » Au début des années 1950, il n’est pas nécessaire d’organiser une fête des voisins pour mieux se connaître. Les soirs d’été, les riverains, un tabouret ou une chaise sous le bras, descendent et s’installent sur la chaussée.

Le petit vendeur d’oeufs

«On prenait le frais, comme à la campagne et chacun racontait sa journée », poursuit Jean avec une certaine nostalgie. Petit dernier d’une fratrie composée d’un frère aîné, et d’une soeur cadette, le garçonnet fréquente l’école Carnot où il se rend chaque jour à pied, en cheminant par le lacis des ruelles qui n’ont plus aucun secret pour lui. Mais c’est surtout la place JeanJaurès et son marché couvert qui attirent les enfants. On peut alors y jouer en toute sécurité, à l’abri du soleil et de la pluie. L’endroit, que l’on qualifie alors de basseville, est à l’apogée de son rayonnemen­t commercial. Les mardis, jeudis et samedis, la place s’anime entre cinq et six heures du matin, avec l’arrivée des vendeurs de produits alimentair­es. Les agriculteu­rs viennent vendre directemen­t leur production. La maman de Jeannot, qui s’occupe de sa famille – tandis que son père travaille chez Camilli, une grande entreprise de parfumerie à SaintClaud­e – fait chaque jour son marché auprès des maraîchers, volaillers et autres fromagers. Dans la rue Droite, vivent de nombreux Italiens et Espagnols qui évoquent avec force anecdotes, la vie dans leur pays natal, au cours des longues causeries vespérales. Et Jeannot de se souvenir de cette bonne ambiance, faite de solidarité et d’entraide. Le dimanche matin, après avoir rejoint la boutique de produits frais, tenue par Monsieur Molinéri, il aide le commerçant à servir sa clientèle. « J’adorais le contact avec les gens et me sentais bien dans cette échoppe où se mêlaient d’appétissan­ts effluves. On attendait impatiemme­nt Monsieur Venturini, qui venait vendre sur le marché, les fougassett­es qu’il venait tout juste de sortir du four. » Au cours d’un bal du 14 juillet, organisé sous la halle du marché, « Jeannot » rencontre Mireille, qu’il épousera en 1959. Il est alors coiffeur chez Paulette, dont le salon, situé place de la Foux, est une institutio­n grassoise. Les jeunes mariés habitent toujours la rue Droite, dans l’appartemen­t familial que « Jeannot » a modernisé.

Coiffeur de père en fils, fille et… belle-fille !

Fort de son expérience profession­nelle, le jeune coiffeur s’installe à son compte, sur le boulevard du Jeu-de-Ballon. « Cassarini Coiffure » tenu par Marie-Sophie, l’épouse de son fils Thierry, a toujours pignon sur rue. Christine, sa fille exerce le même métier. Aujourd’hui, après quelques années passées à Castellane, les dynamiques retraités ont retrouvé la cité des parfums. « On reprend nos habitudes », déclare «Jeannot» dans un sourire. Mireille pense déjà au menu de Noël qu’elle va concocter: tartes à la courge et aux noix, pissaladiè­re et fougassett­es seront à l’honneur pour la plus grande joie de la famille. Quant à « Jeannot », gageons qu’il n’hésitera pas à mettre la main à la pâte pour façonner de succulents gnocchis. Tradition grassoise oblige !

 ??  ?? Hier : « Jeannot » en  dans la cour de Carnot. Il est assis par terre, le dernier à droite. Aujourd’hui : de retour à Grasse, il habite avec son épouse avenue du -Novembre. (Photos DR et C.J.-B.)
Hier : « Jeannot » en  dans la cour de Carnot. Il est assis par terre, le dernier à droite. Aujourd’hui : de retour à Grasse, il habite avec son épouse avenue du -Novembre. (Photos DR et C.J.-B.)
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