Nice-Matin (Cannes)

Les sans « gilets jaunes » ont aussi regardé Macron

Ils ne portent pas le gilet réfléchiss­ant, ne manifesten­t pas. Pour autant ils ne sont pas contre le mouvement. Ni pour d’ailleurs. Citoyens à part entière. Ils ont aussi écouté le Président. Réactions

- STÉPHANIE GASIGLIA sgasiglia@nicematin.fr

D’habitude, on parle que de foot et de l’OGC Nice ici », lâche le « boss » du bar Le Sauveur. Ce troquet du Vieux-Nice, situé rue du Collet, où toutes les génération­s se mêlent. Harmonieus­ement. La politique ? « Franchemen­t non », disent les habitués, pourtant accrochés à Nice-Matin et à leur petit noir. Ou blanc. Ici, tout le monde se connaît. S’appelle par son prénom. Lieu de conviviali­té populaire. Bar de quartier. Hors du temps. Hors des masses.

« J’aimerais pas être à sa place»

Ici encore, personne ne porte de gilet jaune, personne n’est allé manifester ni occuper des rondspoint­s. Mais tout le monde a écouté le président Macron lundi soir. « Je n’aimerais pas être à sa place. C’est compliqué aussi d’être président », lâche François retraité de 72 ans. Accoudé au comptoir, bonnet enfoncé sur le crâne, il poursuit : « Je suis content de ma retraite, je ne veux pas être augmenté. Je veux juste que ceux qui ont moins que moi gagnent comme moi. Et pourtant j’ai pas des masses ». Pas une posture. Ludovic, 41 ans, sourit : « Il est vraiment comme ça, c’est un gentil François. » Ludovic est en invalidité. Il comprend les « gilets jaunes ». Le jeune homme s’est senti exclu de l’allocution présidenti­elle. « C’est bien il a tendu la main, mais quand même il aurait pu le faire avant. Je ne l’ai pas entendu parler de handicap. Je touche 340 € par mois et si je vais voir un patron, il ne m’embauche pas. On est encore oubliés. » « Ce n’est peut-être pas Macron le responsabl­e de tout, mais c’est lui qui est là. On ne peut pas demander des comptes à Mitterrand ou Sarkozy », ironise Ludovic, avant de tourner les talons. « Comment ça va ? », lâche un client à la cantonade. « Comme Macron », rétorque, sourire en coin, Annibal. Appuyé sur la porte du bar, il grince : « Face au jeunisme on fait du jaunisme ». Pas de gilet jaune sur les épaules, il n’a pas trouvé Macron à la hauteur : « Vous avez déjà trouvé un nain à la hauteur?»

« Il ne me fait pas un cadeau »

Sur une petite table, au fond, Marie-José épluche le journal. La retraitée – qui a fait « tous les boulots » dans sa vie – estime que les « gilets jaunes » ont raison. Elle a goûté, quand même, « la main tendue de Macron ». « C’est bien, c’est un début, mais ce n’est pas suffisant. Les gens ce qu’ils veulent c’est du pouvoir d’achat ». Elle grimace : « Comme tout le monde ma retraite a baissé. Il ne me fait pas un cadeau, il me rend seulement ce qu’il m’avait pris. » Snossi, 31 ans, est électricie­n. Il a aussi une licence en gestion, spécialisa­tion finances. Macron ? Il a « lâché du lest ». Mais pour lui, cela ne va pas dans le bon sens. «Il faut baisser la TVA, ça augmente le pouvoir d’achat. » Donner un peu à Pierre, un chouïa à Jean, un soupçon à Paul... «çanesertàr­ien pour améliorer la vie de tous ». Engoncé dans son anorak, Louis, 35 ans, l’écoute, assis en terrasse. Le « tout jeune » retraité a trouvé « Macron bien gêné ». Il enchaîne : « Mais il a des raisons. Il est resté sur le médium de ce qu’il pouvait faire. Il est passé de la raideur à plus de souplesse. Il lâche 100 € pour le Smic, mais les autres ? Et surtout comment financer cette mesure ? Par qui ? ». Pour lui, « le président de la République n’avait pas d’autre choix que de jouer l’apaisement ». Louis a conscience « que le mouvement des “gilets jaunes” n’est pas facile à comprendre. Pour personne ». Et il en est certain, l’acte V « c’est pour samedi ». « Mais vous savez à un moment les pièces de théâtre, elles ont toutes une fin », tranchet-il.

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(Photo Frantz Bouton ) Ludovic aurait souhaité que les personnes en situation d’invalidité soient prises en compte par le président de la République.

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