« Certains commerçants sont très préoccupés »
Aider les entreprises en difficulté à « passer le cap ». Tel est le but poursuivi par la chambre de commerce et d’industrie Nice Côte d’Azur, en lançant lundi dernier une « cellule impact “gilets jaunes” ». Sa récente enquête est édifiante : 78 % des commerçants déplorent une baisse de leur chiffre d’affaires supérieure à 10 %, voire de moitié pour 15 % d’entre eux. Au centre de cette cellule de crise : Marjorie Bourse, conseiller entreprise, spécialisée dans l’accompagnement des entreprises en difficulté. Elle livre son diagnostic et ses conseils.
■ Nouvelle cellule de crise
« La CCI a créé l’accompagnement des entreprises en difficulté en 2011. Plusieurs cellules ont ensuite été créées, au moment des intempéries de 2015, de l’attentat de Nice en 2016, ou de la mini-tempête du 29 octobre dernier. Malheureusement, on a l’habitude de mettre en place ce guichet unique... Pour cette nouvelle cellule, nous avons sollicité nos partenaires : l’Urssaf, la Sécurité sociale des indépendants, la DDFIP, la Direccte, le Comité local des banques et la Banque de France, en partenariat avec la Chambre des métiers. Ainsi, tous les acteurs sont autour de la table. »
Divers secteurs touchés
« La CCI a réalisé une enquête auprès de 380 entreprises qui nous ont fait part d’une baisse de chiffre d’affaires et d’une situation compliquée en fin d’année. Une période où leur chiffre d’affaires est habituellement important. Prêt-à-porter, restauration, coiffeurs... Il s’agit essentiellement de TPE [très petites entreprises] .Les plus touchés sont le commerce de proximité, le commerce de bouche et les petits commerces. Cela concerne les centres-villes de Nice, de Cannes ou d’Antibes, le secteur antibois [autour du rond-point occupé] et les zones commerciales.
Un constat inquiétant
« Cela va être compliqué de rattraper le retard. Cette période permet de constituer de la trésorerie pour anticiper les mois un peu creux (janvier, février, mars). S’ils ne l’ont pas fait, ces mois-là vont être compliqués à passer... Des traiteurs constatent des carnets de commande un peu vides pour cette période. C’est très problématique, aussi, pour les magasins de jouets ou de décoration. Ces commerçants sont très préoccupés. Ils attendent que le 25 et le 31 décembre soient passés pour mesurer l’ampleur des dégâts sur leur chiffre d’affaires... »
Une procédure simple
« Les entreprises ont la possibilité de télécharger le kit [sur www.coteazur.cci.fr] ou de joindre notre centre contacts clients. Ensuite, je les recontacte dans les 48 heures pour faire le point sur la situation de l’entreprise, et voir s’il y a besoin d’un examen plus approfondi. »
■ Échelonnement, chômage partiel...
« Beaucoup demandent un échelonnement des cotisations Urssaf, des cotisations foncières, de l’acompte sur l’impôt sur les sociétés... Les autres acteurs économiques sont très à l’écoute, ils font le nécessaire pour octroyer des délais de paiement. On peut aussi mettre en place de l’activité partielle [ndlr : équivalent du chômage technique] pour des entreprises dont l’activité est en baisse, qui doivent fermer faute d’avoir été approvisionnées ou parce que les salariés n’ont pas pu y accéder. »
Entreprises en danger
« Certaines entreprises pourraient effectivement être menacées. D’où le besoin de vérifier s’il faut aller plus loin, avec par exemple une procédure de conciliation. L’entreprise en fait la demande au tribunal de commerce. Un administrateur prend le relais pour définir, avec l’employeur, avec quels créanciers il souhaite négocier les délais. Cette procédure dure quatre mois. Elle a l’avantage d’être confidentielle. »
Un fonds d’urgence
« Le conseil régional a annoncé débloquer un fonds de soutien de deux millions d’euros en Paca. Ils seront dispatchés entre les commerçants et artisans. Mais nous n’avons pas encore les critères d’attribution. »
Soutien psychologique
« Si la situation de l’entreprise est plus compliquée, nous renvoyons l’entreprise vers le centre d’information et de la prévention (CIP). Son dirigeant est reçu de manière confidentielle par un avocat, un expertcomptable, un ancien juge et les chambres consulaires. Nous nous appuyons aussi sur l’association Apesa 06, qui accompagne les dirigeants en souffrance aiguë pour les aider à passer le cap, avec un psychologue. »
Se signaler sans tarder
« Au-delà de la problématique “gilets jaunes”, le chef d’entreprise ne doit pas rester seul face à ses difficultés. Qu’il n’hésite pas à en parler, à se renseigner dès les premiers signes de difficulté ! Plus tôt il vient, plus on peut mettre en place des procédures faciles à mettre en oeuvre, sans aller jusqu’au redressement judiciaire. »