La semaine de Roselyne Bachelot
Lundi
Après le quatrième samedi de manifestations où casseurs et pilleurs s’en sont donné à coeur joie, la France attend l’allocution du président de la République. La lune étant bien accrochée au firmament – et fut-elle décrochée par Macron – je vous fiche mon billet (!) que la réponse des opposants sera : « Le compte n’y est pas », antienne serinée chaque fois que le pouvoir lâche du lest depuis cinquante ans, faisant de notre pays celui où les prélèvements obligatoires sont les plus élevés du monde. Outre cette phrase culte, je vous livre la panoplie sémantique qui vous permettra d’être à l’aise devant les micros et de damer le pion à tous les journaleux vendus, experts incapables et politicards pourris de toutes obédiences. Chaque fois que vous serez mis en difficulté par un raisonnement sur le montant extravagant des dépenses sociales dans notre pays, attaquez votre interlocuteur bille en tête : « Vous pourriez vivre, vous, avec le RSA ? » Surtout, refusez tout débat de type macro-économique et si un économiste pervers indique, par exemple, que l’ISF est un impôt stupide qui nuit à la compétitivité de la France, surtout rappelez que vous-même n’arrivez pas à boucler vos fins de mois. Si un interlocuteur chafouin signale que votre mouvement a déjà fait cinq morts et des milliers de blessés, rejetez-en immédiatement la responsabilité sur « un gouvernement sourd et aveugle qui n’avait qu’à céder sans tarder à nos justes revendications ». N’hésitez pas à accuser le président de la République d’avoir de fait tué ces malheureux.
Si un crétin borné vous demande de condamner les casseurs et les pilleurs, faites remarquer que les casseurs et les pilleurs sont en fait Macron et l’Etat. Si un chroniqueur malveillant pointe l’incapacité du mouvement à désigner des représentants ou l’incohérence et le coût des revendications, cinglez-le vertement en indiquant qu’il est le valet d’une démocratie dévoyée qu’il convient de mettre à bas pour donner enfin la parole aux millions d’individus que compte ce pays et que d’ailleurs « le peuple, c’est moi » et surtout pas lui. Enfin, l’arme fatale est à disposition ; si un benêt audacieux vous met en difficulté, accusez-le d’arrogance et de mépris de classe. Résultat garanti : ce nuisible ne tardera pas à rentrer dans son trou. Vous voilà une star !
Mardi
Après avoir lâché , milliards, Emmanuel Macron a annoncé, hier soir, milliards de dépenses nouvelles et quand on y regarde de plus près, plutôt milliards. Caramba, encore raté ! Pour les « gilets jaunes », il s’agit de « miettes », de « broutilles » et pire d’une «aumône ». Allez comprendre : une baisse de euros des APL était un choc d’airain sur le budget des ménages et une prime d’activité augmentée de euros moins que rien. En revanche, il est bien dommage qu’Emmanuel Macron n’ait pas indiqué comment il allait financer ce joli paquet de mesures. D’autant que s’ajoute un manque à gagner calamiteux pour les finances publiques. Les radars sont détruits pour moitié, on ne paie plus les péages d’autoroutes concédées alors que % de leur montant est prélevé par l’Etat, le choc sur le chiffre d’affaires des entreprises est massif, donc moins de TVA, de cotisations sociales et d’impôts sur les sociétés, l’image de la France est ravagée, décourageant les investisseurs étrangers, le déficit puis la dette vont flamber. Là, c’est sûr, le compte n’y est pas.
Mercredi
Nous avions presque oublié que la France vivait sous la menace terroriste. L’attentat de Strasbourg nous l’a rappelé dramatiquement. Certains « gilets jaunes » – et non des moindres – ont accusé Emmanuel Macron d’avoir fomenté cette attaque pour arrêter leur mouvement et cette théorie complotiste a été relayée des centaines de milliers de fois. Il est préférable de ne pas commenter sinon je risquerai de m’énerver. Il faudra désormais une bonne dose d’inconscience et de témérité pour briguer un mandat public et affronter de pareilles énormités.
Jeudi
Lunaire, c’est le seul mot qui vient à l’esprit en écoutant le débat sur la motion de censure défendue par LFI, le PC, le PS, rejoints par le Rassemblement national (ex-FN). Des partis que tout oppose et qui, à cette occasion, se devraient pourtant de proposer non un catalogue de critiques mais une alternative commune. En Allemagne, en Espagne ou en Belgique, et dans de nombreux autres pays, une motion de censure se doit d’être « constructive », c’est-à-dire qu’elle doit indiquer expressément le nom du Premier ministre qui serait appelé à prendre le manche en cas d’adoption de la motion. Que voilà une belle réforme constitutionnelle !
Samedi
A nouveau deux morts sur les barrages routiers organisés par les « gilets jaunes », l’un dans la nuit de mercredi, causé par un camion polonais, l’autre hier soir à la frontière belge où un automobiliste est venu s’encastrer dans un barrage de poids lourds. Disons-le tout net : ce mode de contestation est dangereux pour ceux qui le pratiquent, liberticide pour les citoyens, dramatique pour l’économie et inefficace pour faire aboutir les revendications. Certes, des lieux de convivialité ont été ainsi établis mais on peut griller des saucisses et échanger des idées autre part qu’en plein milieu de la circulation…
« [Le] mode de contestation [des “gilets jaunes”] est dangereux pour ceux qui le pratiquent, liberticide pour les citoyens, dramatique pour l’économie et inefficace pour faire aboutir les revendications. »