« Gilets jaunes », acte V : mobilisation en baisse
Après quatre manifestations nationales, la mobilisation d’hier a été nettement plus faible que samedi dernier et, surtout, la situation a été bien plus calme
Le mouvement des « gilets jaunes » serait-il en train de s’essoufler ? Hier à Paris et dans toute la France, la mobilisation était en net recul, quelques tensions mais pas de casse, contrastant avec les violents heurts des semaines précédentes pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d’achat. Le ministère de l’Intérieur totalisait 66 000 manifestants dans l’Hexagone contre 126 000 le 8 décembre. Une situation mise à profit par le ministre de l’Intérieur qui, en début de soirée, a appelé à libérer les ronds-points : « Les ronds-points doivent être libérés et la sécurité de tous redevenir la règle », a tweeté le ministre. « La journée se termine bien», « le dialogue doit maintenant rassembler l’ensemble de ceux qui veulent transformer la France », a-til déclaré. Cette cinquième journée de manifestation nationale avait valeur de test pour l’exécutif après les annonces d’Emmanuel Macron visant à mettre fin à une crise sociale inédite née sur les réseaux sociaux pour crier un « ras-le-bol » fiscal et économique. L’« acte V» « est un peu un échec, mais c’est à cause de l’État qui nous empêche de manifester correctement », estimait Lucie, une aide ménagère de 35 ans venue de Melun à Paris. Au contraire, Laurent, qui travaille dans l’informatique et souhaite « faire évoluer la politique et la représentativité du citoyen », « ne vit pas cette journée comme un échec parce qu’on est soutenus ». « Partout où on va il y a des klaxons », argumente-t-il.
Sans violence
En fin d’après-midi, la police s’est employée à disperser les manifestants encore rassemblés sur les Champs-Elysées. Dans l’après-midi, de petites échauffourées y ont opposé « gilets jaunes » et forces de l’ordre, sans le déferlement de casse et de violence survenu la semaine dernière dans les rues adjacentes. La mobilisation était aussi en retrait dans plusieurs villes comme à Rennes, Caen, Strasbourg ou Toulouse, stable mais faible à Lyon. A Bordeaux, où de violents débordements s’étaient produits samedi dernier, 4 500 « gilets jaunes » défilaient, un chiffre quasi-similaire à la semaine dernière. Autre chiffre révélateur : à 18 h, il y avait eu à Paris 168 interpellations dont 112 gardes à vue, bien en deçà des chiffres record de la semaine dernière. Les manifestants étaient nombreux à réclamer l’organisation d’un « RIC », un référendum d’initiative citoyenne [lire ci-dessous], ou la démission d’Emmanuel Macron. « On est là aujourd’hui car on n’a pas envie d’être les prochains SDF que l’on voit trop nombreux à Paris », a témoigné Julie, 31 ans, conductrice d’engin, venue de l’Aisne pour manifester pour son troisième samedi consécutif. Quant aux réseaux sociaux, d’aucuns les accusent de déformer la réalité : « Quand on voit le “blablatage” sur Facebook des champions du clavier et quand on voit concrètement combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtement, je n’ai qu’une envie, c’est de poser le gilet », résumait à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans.
Mobilisation gagnante
Un doute que ne partage pas d’autres « gilets jaunes », pensant qu’il est possible d’obtenir plus si la mobilisation se poursuivait : « Les annonces de Macron sont un premier recul. Ça montre qu’on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression », estimait à Lille Jacques Caudron, un prof à la retraite âgé de 66 ans. Ce ne « sont pas des réponses qui réduisent les inégalités sociales, et le fond de l’affaire c’est quand même ça : l’augmentation des inégalités et le fait qu’on fait payer aux pauvres les allégements d’impôt des plus riches », renchérissait Claire Bornais, enseignante.