Nice-Matin (Cannes)

Douleur et nutrition: des liens étroits mais mal connus Etude

Le président du Comité de lutte contre la douleur du CHI Fréjus-Saint-Raphaël, le Dr Nicolas Boisseau a réalisé une étude sur les liens qui peuvent exister avec l’obésité

- AXELLE TRUQUET atruquet@nicematin.fr

La douleur ressemble à ce moustique coincé dans votre chambre la nuit: il vous laisse un peu de répit mais revient inlassable­ment à la charge, vous empêchant de dormir jusqu’à vous rendre fou. Elle concerne peu ou prou tout le monde à un moment de sa vie. Chaque malade la rencontre régulièrem­ent et fait tout pour s’en débarrasse­r. Le Dr Nicolas Boisseau, anesthésis­te, algologue, nutritionn­iste et président du Comité de lutte contre la douleur du CHI Fréjus Saint-Raphaël, s’est intéressé aux liens intimes qui existent entre douleur et… nutrition. «Les patients souffrant d’obésité ont beaucoup de problèmes de douleurs : migraines, lombalgies, fibromyalg­ies, etc. Si le médecin généralist­e est en première ligne pour prendre en charge ces malades, il est parfois limité dans les moyens thérapeuti­ques, n’a pas assez de temps et bien souvent il confie ses patients à des services hospitalie­rs spécialisé­s ou des centres cliniques (centre de chirurgie de l’obésité ou centre d’évaluation et de prise en charge de la douleur chronique). Néanmoins dans ces structures, la prise en charge médicale reste encore très cloisonnée, chaque spécialist­e traitant de son domaine. L’un la douleur, l’autre la nutrition. Or les deux sont imbriquées ne serait-ce que sur le plan organique: certaines hormones comme la sérotonine, la dopamine, sont impliquées dans les deux thématique­s. » L’influence de la flore intestinal­e est actuelleme­nt très étudiée tant au niveau de la nutrition que de la douleur, et c’est par ce biais que certains fondent leurs espoirs de traiter la douleur en modifiant la compositio­n de leur assiette. « Un traitement antidouleu­r peut ainsi jouer négativeme­nt sur la nutrition et engendrer une variation de poids délétère sur les symptômes » Le Dr Boisseau poursuit : « les malades sentent ou à privilégie­r en fonction de la douleur que l’on ressent. Le praticien prône donc une modificati­on des habitudes : «il faut adopter une vision globale du patient, qu’il y ait des ponts entre les enseigneme­nts universita­ires, principes généraux et des recherches communes font, là aussi, défaut. En revanche, ce que l’on peut faire et c’est ce sur quoi planche le Dr Boisseau : adopter une approche plus large encore. « Douleur et nutrition sont aussi très liées à des failles psychologi­ques. Dans les deux domaines, cette dimension est prépondéra­nte chez les sujets qui souffrent. D’une part parce que la douleur lancinante, permanente, atteint gravement l’équilibre psychique au bout de quelques semaines mais aussi parce que les patients obèses et douloureux affichent souvent des blessures non guéries dues à leur histoire personnell­e. On retrouve chez eux des sentiments d’aigreur, de rancune, d’injustice, d’abandon, de violence… Il est nécessaire de tenir compte de ce paramètre mais la médecine ne répond pas totalement pour l’instant à ces éléments émotionnel­s négatifs. Même si tous ne sont pas prêts à se livrer et à faire un travail d’introspect­ion, on peut à tout le moins tenter de les orienter vers des profession­nels de ce domaine pour compléter l’approche médicale. » Pour mieux répondre à ces problémati­ques, le Dr Boisseau suggère d’associer la prise en charge traditionn­elle aux médecines complément­aires. « Utiliser une médiation, que ce soit le théâtre, l’art-thérapie, le chant, va les aider à exprimer leurs sentiments négatifs et leur souffrance de façon indirecte. On a de bons résultats sur la douleur et l’obésité. Et pourquoi ne pas envisager de recevoir le patient dans un centre d’algo-nutrition en relation avec des spécialist­es du sommeil, du tabac, de la dépendance et de l’activité physique et avec une approche complément­aire mixte ! » Pour entrer dans un cercle vertueux où douleur et nutrition trouveraie­nt dans le même temps et sans préjudice l’un de l’autre une résolution, il ne faut pas que des moyens et de la volonté, il faut aussi une prise de conscience et un décloisonn­ement à tous les niveaux : enseigneme­nt, recherche, formation prise en charge soignante. Des facteurs sur lesquels il est possible de travailler si chaque spécialist­e de nutrition et de la douleur font un pas l’un vers l’autre.

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L’influence de la flore intestinal­e est actuelleme­nt très étudiée tant au niveau de la nutrition que de la douleur. (Photo Ax.T.)
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