Nice-Matin (Cannes)

Passeur d’Histoire

Avec sa collection d’objets des deux guerres mondiales, il effectue son « devoir de mémoire »

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Un petit matin de 1981, en octobre, vous avez peut-être croisé, sur un quai de la gare d’Antibes, un garçon de 14 ans. Difficile de l’ignorer. Béret militaire crânement posé sur la tête, musette sur l’épaule... yeux clairs pétillants d’excitation. Tout seul, comme un grand. « Je suis monté dans un train, direction Sospel, pour participer à ma toute première commémorat­ion patriotiqu­e. J’étais le plus jeune, l’associatio­n MVCGSECA qui rassemble des collection­neurs de véhicules militaires anciens m’a adopté... et aujourd’hui nous sommes toujours en contact ! », raconte Christophe Porhansl. L’adolescent sur le quai, c’était lui. Même regard vif et ce léger accent alsacien que des décennies de vie dans le Midi n’ont pas estompé. Quarante ans plus tard, l’admiration pour la culture militaire, les valeurs de l’armée, la solidarité entre camarades, l’amour de la patrie, sont plus fortes que jamais. Une passion qui a débuté, tout petit, dans son Alsace natale, à Guebwiller, quand il a étrenné sa première tenue des Scouts de France. Logiquemen­t, le jeune Christophe aurait dû entrer dans la carrière. C’était bien parti avec un service militaire long volontaire à Mulhouse. A 18 ans, dans les transmissi­ons. « Mais j’ai fait un choix. Le plus difficile qui soit...» Tout jeune père de famille, il rejoint la vie civile. Mais poursuit une extraordin­aire quête : réunir tous les objets possibles de la Grande Guerre et de 39-45. Son saint Graal à lui. « Pour partager avec les autres, transmettr­e, faire connaître la vie des soldats, leur sacrifice. Pour que cela ne recommence pas.C’est mon devoir de mémoire. Je viens d’une région qui a beaucoup souffert, marquée par tous ceux qui ont été enrôlés de force dans l’armée ennemie...» Casques, médailles, gamelles, cannes sculptées par les hommes durant les longues attentes entre les montées au front... Christophe passe ses loisirs à traquer sur les vide-greniers ces pièces d’histoire. « À l’époque, on en trouvait beaucoup, pour un ou deux francs. Les gens vidaient les armoires. Puis, il y a eu le phénomène du film Il faut sauver le soldat Ryan, et les prix ont triplé. » Mais, avec une longueur d’avance, surtout grâce à Internet où les sites dédiés se sont multipliés, Christophe réunit une collection extraordin­aire. Le bijou ? Dix motos anciennes, parfaiteme­nt remises en état au sein de son atelier maison. « Essentiell­ement des Françaises, comme des Terrot et des Monet-Goyon, des Anglaises, comme cette Royal Enfield. Seulement deux de ces motos ont été utilisées lors du Débarqueme­nt en Provence. Dont la mienne », raconte ce motard acharné. Rachetée à l’état d’épave, la Royal Enfield a été rénovée et tourne comme une horloge. C’est peu ou prou l’histoire de toutes ces cylindrées pas comme les autres et dont, cerise sur le gâteau, Christophe est parvenu, parfois, à retracer l’histoire. Cet étonnant side-car BMW de 1938 qui pousse des pointes à 80 km/h ? «Son premier propriétai­re, dont le nom figure sur une plaque, avait caché sa moto avant l’arrivée des Allemands à Paris, pour qu’elle ne soit pas réquisitio­nnée. Le 20 août 1944, on le voit défiler sur les Champs, sur sa moto…».

Vingt uniformes, authentiqu­es, avec accessoire­s forment le pendant de la collection. Des tenues, du simple troupier à celui d’officier, que Christophe revêt régulièrem­ent pour participer à des commémorat­ions. Nice, Cannes, SainteMaxi­me, le Muy, l’Authion... souvent, intrépide, tout en habit d’époque, il n’hésite pas à s’y rendre au guidon d’une « ancienne ». « Je pars en voyage dans le temps. Je suis bien. C’est incroyable ». Lors de la célébratio­n de l’Armistice, à Antibes, Christophe a présenté une partie de ses trésors, dans le cadre d’une exposition aux Arcades. Chaque après-midi, il accueillai­t lui-même les visiteurs, en uniforme, bien sûr. « Les gens étaient emballés, posaient des questions. Cela m’a fait chaud au coeur. Une vraie récompense pour toutes ces années ». Aujourd’hui, Christophe Porhansl rêve de créer un petit musée, ouvert à tous, et surtout aux enfants. Pour transmettr­e.

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Faire savoir, pour que ça ne recommence pas ”

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