Rêve d’enfance
C’est bien connu : le pauvre souffre davantage encore de l’argent que gagnent les autres que de celui qu’il n’a pas. Tirer le diable par la queue est une chose. Supporter le spectacle indécent de l’opulence en est une autre.
A voir depuis des années les stars du foot ou les grands patrons jongler avec les milliards, sans que plus personne ne semble s’en émouvoir, au nom des bénéfices collectifs induits, on pouvait croire le peuple résigné. Juste enclin à se défouler, entre la poire et le fromage lors de la ripaille dominicale, en fustigeant en choeur les trop-payés. L’émoi suscité par le salaire de Chantal Jouanno vient raviver un malaise jamais évacué. La question de l’écart des salaires va, assurément, alimenter le Grand Débat. A juste titre. Dans les années , un grand patron gagnait environ vingt fois plus que ses ouvriers. Aujourd’hui, c’est
cent fois plus en moyenne. En comparaison,
les politiques, pourtant dans l’oeil du cyclone, font figure de petits joueurs. Les salaires des élus sont loin d’être les plus indécents. Autour de € net pour le Président ou le Premier ministre, € pour un député, à peu près autant pour un maire de grande ville, est-ce scandaleux ? Bien sûr que non ! C’est même une paille, comparé aux € d’un joueur de foot qui, parfois, ne met pas un pied devant l’autre, ou de big boss du Cac qui gagnent jusqu’à fois le Smic (je vous laisse le soin de calculer). Reste à avancer. Quelle formule trouver pour rendre les
« Les salaires des élus sont très loin d’être les plus indécents. »
écarts moins révoltants ? Fixer une toise ou un coefficient n’aurait sans doute pas grand sens, si l’on veut éviter de brider les énergies. L’enfant que j’étais suggérerait bien de payer au Smic les footballeurs, qui passent leur vie à jouer, et d’augmenter les éboueurs, dont le labeur est si dur et si nécessaire à la société. Utopie de gamin, évidemment. Peut-être une idée inédite sortira-t-elle du Grand Débat… A moins que ce ne soit, tout simplement, le retour de l’ISF.