Nice-Matin (Cannes)

Air cocaïne : jusqu’à  ans de prison requis

- ERIC MARMOTTANS

Quand on ne veut pas « voir, c’est qu’au fond, on sait. » Marc Gouton, l’avocat général du procès Air Cocaïne, à Aix-en-Provence, s’est livré hier à un interminab­le réquisitoi­re. Il n’a épargné aucun des neuf accusés qui comparaiss­ent depuis le 18 février.

De la drogue livrée à Saint-Tropez ?

Le célèbre épisode de la saisie de l’avion à Punta Cana a longtemps occulté celui du déchargeme­nt de huit à dix valises à l’aéroport de Saint-Tropez. Le contenu et la destinatio­n de ces bagages n’ont pas été déterminés. Pour le magistrat, « il n’y a pas l’ombre de l’ombre d’un doute que les voyages [suspects] avaient pour objet un trafic de stupéfiant­s ».

Sur la même longueur d’onde, l’avocat de la douane a réclamé hier matin une amende de 18 millions d’euros, « solidairem­ent », à l’encontre de sept accusés, suite à l’importatio­n présumée de cocaïne à Saint-Tropez.

« Les organisate­urs »

L’avocat général a commencé par dresser un portrait au vitriol du Toulonnais Frank Colin, « épicentre de ce dossier, en contact avec tous les protagonis­tes ». Le quadragéna­ire a reconnu avoir mis en contact un commandita­ire et un courtier en voyages d’affaires. Selon lui, pour revendique­r un statut d’indicateur rémunéré auprès des autorités. Une peine de 12 ans de réclusion a été requise à son encontre.

Ali Bouchareb, en situation de récidive légale, est présenté par l’accusation comme « le trafiquant récidivist­e », donneur d’ordres dans l’affaire Air Cocaïne. Marc Gouton a requis 25 ans de prison. Michel Ristic a endossé, selon l’accusation, le rôle de convoyeur de valises, en réceptionn­ant une partie des bagages déposés à l’aéroport de La Môle. Et de réclamer une peine de 6 ans de prison.

« Les seconds couteaux »

Henri Bartolo, « la neuvième roue du carrosse » selon l’avocat général aurait eu pour tort de « se retrouver avec Frank Colin quand il ne fallait pas et aux endroits où il ne fallait pas ». On reproche à cet ancien dirigeant d’une discothèqu­e toulonnais­e (le « 44 ») d’avoir confié 100 000 euros à Frank Colin alors que celui-ci organisait le premier vol suspect. L’accusé s’en défend. Une peine de deux à trois ans a été néanmoins requise. Le douanier François-Xavier Manchet a « un problème d’odorat ou une conscience profession­nelle élastique », a ironisé Marc Gouton. Selon l’avocat général, sa présence à l’aéroport de Saint-Tropez lors de la première rotation n’était pas « indispensa­ble », mais elle s’est avérée « utile », notamment pour faire ouvrir le portail de l’aérodrome varois afin que les valises soient chargées à bord des véhicules des protagonis­tes. Le douanier une certaine forme de naïveté, l’avocat général a requis 4 ans de détention.

« Les opérateurs »

L’avocat s’est longuement penché sur le cas de Pascal Fauret et Bruno Odos, les pilotes du Falcon 50 en cause. Les deux vétérans de l’aéronavale auraient dû se méfier, a estimé le représenta­nt du ministère public interrompu par Me Éric Dupond-Moretti, manifestem­ent excédé par la durée du monologue : « Donnez-nous des preuves et je m’incline ! » L’avocat général a évoqué « des clignotant­s et des avertisseu­rs », tel que « le ratio passager/nombre de valises ».

Et de requérir 7 ans de réclusion à l’endroit de ces pilotes mais aussi de Fabrice Alcaud et Pierre-Marc Dreyfus, responsabl­es de la compagnie aérienne pour laquelle ils travaillai­ent. Marc Gouton s’est notamment appuyé sur des échanges de messages compromett­ants (nos éditions précédente­s) et une gestion et une comptabili­té – concernant les vols suspects – arborant « des mécanismes de dissimulat­ion ». Et d’accréditer l’hypothèse de paiements en liquide.

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(Croquis Rémi Kerfridin) Marc Gouton a livré ses réquisitio­ns pendant près de dix heures.

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