Nice-Matin (Cannes)

Procès Air Cocaïne : « Vous les croyez assez cons ? »

Hier à Aix-en-Provence, Me Eric Dupond-Moretti a plaidé, sans mâcher ses mots, en faveur des pilotes alors que l’avocat général de la cour d’assises a requis sept ans de prison

- ÉRIC MARMOTTANS

«Si vous ne les acquittez pas, c’est à désespérer. » Me Éric Dupond-Moretti a pris la parole hier matin pour prendre la défense des pilotes Pascal Fauret et Bruno Odos, jugés par la cour d’assises spéciale, à Aix-en-Provence, dans l’affaire Air Cocaïne.

Au terme d’un interminab­le réquisitoi­re (près de dix heures), l’avocat général Marc Gouton avait requis la veille une peine de sept de prison à leur endroit (lire nos éditions d’hier). « Il n’y a que Pénélope qui, par amour, peut détisser ce qu’elle a tissé »,a persiflé l’avocat des pilotes, rappelant que le représenta­nt du ministère public avait « chapeauté l’accusation » lors de la phase d’instructio­n… Et de fustiger des réquisitio­ns qui n’auraient pas tenu compte de « ce qui a été dit à l’audience », privilégia­nt les témoignage­s à charge (« les y’a qu’à faut qu’on ») aux nombreux témoins de moralité cités par la défense.

« Ils ont été tondus comme des collabos ! »

« Ces hommes-là ont risqué leur peau pour nous, s’est emporté Me Dupond-Moretti, en référence aux états de service impeccable­s des accusés lorsqu’ils étaient pilotes de chasse dans l’armée. En 42, je ne sais pas ce que j’aurais fait, mais je sais ce que eux auraient fait ! (...) En République dominicain­e, ils ont été tondus comme des collabos ! » Le pénaliste a violemment critiqué le travail d’une juge d’instructio­n (« elle leur a parlé comme des merdes ! »), et s’en est pris à la supposée faiblesse des arguments de l’accusation qui a fait, selon les termes du ministère public, de « l’incuriosit­é » des pilotes « une adhésion à un projet criminel ». Et l’avocat de renvoyer la cour à la définition de l’incuriosit­é : « C’est l’insoucianc­e d’apprendre ce que l’on ignore… »

« On a inventé le trafic internatio­nal de stupéfiant­s par imprudence… », a moqué l’avocat des pilotes. S’en prenant également aux « clignotant­s » qui auraient dû, selon l’avocat général, alerter les pilotes. « La dernière fois que j’ai entendu cette expression, c’était dans l’affaire Outreau [un fiasco judiciaire, Ndlr]…»

« Un jugement Canada Dry »

« Vous les croyez assez cons pour faire du trafic de stupéfiant­s ! », a lancé Me Dupond-Moretti, après que son jeune confrère et associé Me Antoine Vey s’était efforcé, plus tôt dans la matinée, de désamorcer les arguments – « les mythologie­s » – de l’avocat général en compilant tous les arguments de la défense déployés au fil des six dernières semaines d’audience. La procédure dominicain­e, qui a abouti à la condamnati­on des pilotes, n’a pas été en reste hier : « C’est Canada Dry : ça ressemble à un jugement, ça a le goût d’un jugement, mais ça n’est pas un jugement », a insisté Éric Dupond-Moretti

Et de se tourner vers les pilotes : « J’ai honte de ce que l’on vous a fait . » À la cour : « J’ai honte de cette justice qui devient une machine à broyer pour une “incuriosit­é” supposée (...) Ils jouent tout ici, leur honneur, leur liberté et ce qu’il leur reste de fortune .»

 ??  ?? Mes Eric Dupond-Moretti, Antoine Vey (pour les pilotes) et Frank Berton (aux intérêts du commandita­ire présumé) à l’entrée du palais Monclar à Aix-en-Provence. (Photo Dominique Leriche)
Mes Eric Dupond-Moretti, Antoine Vey (pour les pilotes) et Frank Berton (aux intérêts du commandita­ire présumé) à l’entrée du palais Monclar à Aix-en-Provence. (Photo Dominique Leriche)

Newspapers in French

Newspapers from France